Pages

jeudi 22 décembre 2011

Transat - l'arrivee!

Mardi 13 decembre 


6h30 du matin: terre ! La Martinique apparait entre les grains dans une lumiere de debut du monde.... quelle beaute !


Frank, qui a vecu 5 ans sur l'ile, prend la barre pour negocier la passe du Marin, la jouant tres local entre nasses et pates de corail.... 

Les nerfs du capitaine sont mis a l'epreuve mais retrouveront vite une elasticite satisfaisante pour les standards locaux apres une carafe de ti-punch au Mango Bay, fameux bar du Marin ou convergent les navigateurs du monde entier. 

Nous y rencontrons un couple d'amis de Frank, Roger et Pierrette, qui poursuivent depuis plus de 40 ans leur vie de boheme a la voile. Tres cools et plutot fetards, les sexagenaires:  nous passerons une soiree memorable a bord de leur bateau plante au milieu de la mangrove - une excellente transition pour notre retour sur terre ! 


C'est ainsi que se boucle notre periple Atlantique, long de 2990 milles nautiques depuis les Canaries (5400 km), parcourus en 19 jours a une vitesse moyenne de 6.6 noeuds. L'escale technique au Cap Vert fut finalement un excellent coup de pouce du destin, en rythmant notre traversee et nous permettant de rester dans la zone d'alizes plus soutenus autour du 15ieme parallele nord: a retenir pour une prochaine fois !


Le capitaine est ravi de cette experience et fier de son equipage. Merci a Frank, Francois et Ian pour leur passion de la mer, leur bonne humeur et leur enthousiasme et bonne chance a tous les trois dans vos projets respectifs !

Titju, Celine et les enfants reviennent dans trois jours, c'est pas trop tot ! Ces 5 semaines de separation me paraissent interminables depuis que nous sommes redevenus "terriens". La perspective de les retrouver me remplit de bonheur !

Je m'en vais les grignoter de bisous et laisserai a ce qui reste de Celine le soin de reprendre le cours normal de ce blog pour vous tenir informes de nos aventures hivernales sous les tropiques...   

Chaleureuses salutations du capitaine et bon vent a tous!

dimanche 11 décembre 2011

Transat - part III


Samedi 3 décembre:

Le vent faiblit à 15 noeuds mais nous continuons de progresser rapidement vers l'ouest. Notre moyenne journalière dépasse 170 milles nautiques. Le comportement marin et la vélocité de Panta Rhei sont une source permanente d'émerveillement et de fierté pour le capitaine. Par modestie, je n'ai pas mentionné lors de la derniere mise à jour du blog que le voilier de 48 mètres croisé la nuit dernière avait été "séché" sans la moindre difficulté (Panta Rhei courant un noeud plus rapidemment que notre concurrent du soir). Notre joie guerrière équivalait sans doute au désarroi et à l'incrédulité de l'équipage du Regina Maris, laissé sur place avec shorts et T-shirt assortis.

Rapport de pêche: une coryphène monstrueuse - un specimen de 1.5m - sûrement envoyée par ses semblables pour mettre fin au carnage des derniers jours réussit avec maestria sa mission de sabotage en explosant le frein de notre moulinet avant de s'échapper ravie. Notre équipement est detruit mais nous ne capitulons pas. Frank invente un système ingénieux de relais, faisant passer le fil de la pêche autour d'un winch: celui-ci sonnera l'alerte et servira de frein en cas de prise.... Nous reprenons l'avantage ! Nous agitons sur la plage arrière du bateau notre tube de wasabi, prévenant les futurs candidats au sashimi que le combat n'est pas fini.

A 12h, Gran Canaria, notre point de départ, et la Martinique, notre destination finale, sont toutes deux distantes d'exactement 1350 miles nautiques, ça progresse ! Notre position est au sommet d'un gigantesque triangle isocèle dessiné entre les Canaries et les Antilles:  je vous laisse quelques minutes pour calculer la longueur de la route directe, c'est-à-dire l'hypoténuse de notre triangle (la racine carrée de la somme des carrés des deux autres côtés, ça vous rappelle quelque chose?).

Dimanche 4 décembre:

Panta Rhei continue sur sa lancée, parcourant aujourd'hui 169 miles.

Après la messe dominicale, nous nous réunissons dans le cockpit pour phosphorer quelques instants entre amis. Thème du jour: imaginer une paille "suce orange" qui se forerait directement dans la peau du fruit afin d'en extraire le jus. Les idées fusent pour développer cet ustensile indispensable a tous les idiots qui, comme nous, partiraient en voyage avec de grandes quantités d'oranges, une grande envie de jus mais pas de presse fruit. En attendant la commercialisation de nos géniales trouvailles nous pressons frénétiquement le précieux nectar directement de l'orange a la bouche.... Les grognements satisfaits qui s'échappent de nos barbes hirsutes et maculées de pulpe offrent aux rares oiseaux qui nous croisent encore un spectacle digne des premieres heures de l'humanité... ça reste entre nous.

Nous terminons ce jour le fromage en tranches et, plus grave, le rhum. Le regard perdu de Frank et Francois en dit long sur la tragédie qui se noue à cet instant.

Lundi 5 décembre:

Nous avons navigué à plus de 8 noeuds de moyenne cette nuit, sous un vent établi a 20-25 noeuds. Nous continuons sur la même latitude, 15° N, mais la température augmente sensiblement jour après jour.

Mardi 6 décembre:

Le vent tombe et une zone de calme sur la route directe vers la Martinique est annoncée pour la fin de la semaine. Nous décidons de modifier notre cap de plus de 30 degrés afin de passer 150 milles au sud de cette route et garder ainsi du "vent frais" dans les voiles.

Nous sommes ce matin a mi-chemin entre le Cap Vert et la Martinique (1036 miles de chaque cote).

Nous perdons de plus en plus la notion des jours qui défilent, obéissant a d'autres rythmes (cycles biologiques, quarts, vent, condition de la mer). L'élasticité du temps semble proportionnelle à l’éloignement de la terre ferme (c'est bien ça, la théorie de la relativité non?!).

Personne à bord ne souffre de cet isolement. La symbiose s'opère tout naturellement. Etre si loin des côtes génère même une forme d'ivresse: mélange subtil d'abandon aux éléments qui nous entourent et de conscience aiguisée de nos capacités physiques et mentales à y faire face. Nous sommes en confiance.

Je repense à la "Longue Route" de Bernard Moitessier et comprends mieux sa fascination mystique pour la haute mer. Nous sommes partis il y a seulement sept jours du Cap Vert. Lors de la première course autour du monde sans escale en 1968 (Golden Globe), Moitessier passe 7 mois en mer avant de renoncer, en face du Brésil, à une victoire assurée pour poursuivre encore quelques mois sa route solitaire jusqu'à Tahiti... l'appel du large était le plus fort. 

Mais pas de panique Céline, on se voit toujours le 16 décembre au Marin...

Mercredi 7 décembre:

Le vent a augmenté graduellement cette nuit pour se stabiliser à plus de 25 noeuds. Un second ris dans la grand voile devient nécessaire avant le lever du jour.

A la fin de la manoeuvre, le barreur de quart qui souhaite rester anonyme (ça arrive à tout le monde, Frank) perd le sens du vent dans un moment de confusion et empanne accidentellement. Le bateau se lance alors, gênois a contre, dans un pirouette acrobatique à 800 milles nautiques de la côte, et effectue un 360 degrés du plus bel effet. Quelques objets volent dans le carré mais aucune casse a bord, et le frein de bôme a parfaitement joué son rôle d'amortisseur ! Nous tirerons les leçons de cette mésaventure avec quelques règles simples pour les manoeuvres nocturnes. Plus question de jouer au “derviche tourneur” avec les 17 tonnes de Panta Rhei, qui a définitivement passé l'âge...

Nous parcourons 172 miles aujourd'hui sur un cap 255 N, pointant vers la Guyane Francaise.

Une mise à jour des fichiers météo nous révèle des conditions de vent faibles et variables dans les prochains jours. L'arrivée sera lente et poussive.

Au rayon frais, nous terminons les carottes et les poivrons. Nous n'avons toujours pas touché une conserve depuis notre départ du Cap Vert il y a huit jours.

Ce soir nous mangeons des focaccia préparées par le capitaine suivant la recette de la Nonna - faut pas se laisser aller !


Jeudi 8 décembre:

Le vent tombe autour de 10 noeuds. Nous couvrons 154 milles (seulement ?!) sont couverts en 24 heures.

Nous nous arrêtons en début d'après-midi pour notre premier bain au milieu de l'Atlantique.

Plongeons du balcon, sauts depuis le tangon, pirouettes et galipettes nautiques sont au programme libre de chacun. Totalement jouissif, mis à part la vision de club de nudistes quadragénaires à la sortie de l'eau... Nous repartons au moteur (grrrr).

Nous nous faisons capturer notre sardine fétiche tant appréciée des coryphènes. A 17 heures, envoi d'un nouveau leurre aux allures de travesti brésilien armé de deux gros hameçons façon crochet de boucher - ça va faire mal!

Une demi heure plus tard, la ligne part à toute vitesse mais pas pour longtemps: Frank remonte ce qui semble offrir encore un peu de résistance, mais le brésilien a perdu ses deux hameçons et son costume de carnaval est lacéré... la prise était bien trop grosse, elle a tout arraché!

Au menu ce soir: pas de poisson, mais une excellente tortilla et tarte tatin en dessert. Nous terminons les pommes et le whisky (je crains la mutinerie à tout instant) !

Pendant le dîner, deux petits dauphins viennent amicalement se moquer de nos misérables tentatives de pêcheur du dimanche....

Vendredi 9 décembre:

Nous naviguons ce matin entre les grains. Les conditions sont changeantes (force et direction du vent) mais offrent à nos mirettes éberluées le spectacle hallucinant de ces rideaux de pluie entrecoupés de rayons de soleil et auréolés d'arc en ciel multicolores. Ian l'australien s'exerce au belge (qu'il croit toujours être du français): "C'est beau, dis, quoi!"

A 10 heures, il nous reste exactement 500 miles à parcourir jusqu'à la Martinique, cap 280° N.

Samedi 10 décembre:

C'est le calme plat: 1 noeud de vent tout au plus, une mer d'huile et un ciel fige. Nous progressons au moteur à faible allure, entre 4.5 et 5 noeuds.

Le lever du soleil ce matin fut le plus spectaculaire du voyage, arrivant quelques instants après le coucher d'une pleine lune immense qui nous avait éclairés toute la nuit comme en plein jour.... inoubliable!

Les prévisions étant peu favorables pour les prochains jours, nous irons là où le vent nous porte, privilégiant la vitesse au cap.

Nous attaquons notre premiere conserve de fruit, que Francois utilisera pour confectionner une tarte pour le dessert ce soir. Il nous reste quatre pommes de terre, trois oignons, deux gousses d'ail et une trentaine d'oeufs. Que demander de plus! 

Notre position actuelle: N 13°28.55'; W 54°39.31' (voir carte google map)
Bon vent à tous! 




samedi 3 décembre 2011

Transat - part II

Mardi 29 novembre:

C'est reparti pour un tour! Nous quittons Mindelo à 17 heures, cap à l'Ouest pour 12 à 16 jours de mer. Nous sommes finalement tous les quatre enchantés de cette escale cap verdienne forcée, qui nous a permis de découvrir le charme désuet de ce bout du monde si bien assumé, où rien ne presse.

Ce mélange d'Afrique saharienne et de langueur brésilienne opère une convergence mentale des deux continents qui se font face, de sorte que que la distance qui nous reste à parcourir semble raccourcie... Qu'à cela ne tienne, nous prenons le temps d'une virée nocturne pour mieux apprecier la vie locale !

Les rencontres y sont improbables, les lieux éclaboussés de couleurs, la langue créole délicieuse et le rhum bien corsé... Nous dînons dans une pension d'un autre siècle, qui s'avère être un hôtel de passe, avant de nous perdre au comptoir d'une rhumerie sans toit où quelques marins sont venus s'échouer à marée basse....  Le réveil ce matin est certes difficile mais les souvenirs mémorables.

Les cales sont chargées de produits frais achetés sur le marché local, et les réservoirs remplis de 800 litres d'une eau jaunâtre prétendument buvable: c'est mieux que le Startron, mais ce n'est pas encore du Vichy Celestin.

En quittant l'ile de Sao Vincente, nous passons sous le vent de Santo Antao avant d'atteindre la haute mer vers minuit. Les alizés sont là, puissants, nous propulsant immédiatement à plus de 8 noeuds dans la nuit étoilee.

William Christie, qui m'accompagne lors de mon quart de nuit (Dido & Aenaes), semble chorégraphier les apparitions de la lune entre quelques nuages laiteux avant sa chute inexorable dans les eaux de l'Atlantique nord. I wish you were here my lady captain, it is so beautiful!

Cap à l'Ouest, à nous les Caraibes...

Mercredi 30 novembre:

Les conditions sont parfaites, si ce n'est cette houle de 2 mètres qui se raidit au gré des courants (de marée). Nous avons parcouru 185 miles ces dernières 24 heures, soit une moyenne de 7.7 noeuds.

Tous les réglages du bateau sont passés en revue pour assurer un bon équilibre sous voile et éviter tout ragage (usure par frottement), potentiellement destructeur sur un si long bord. Le lazy bag (sac acceuillant la grand voile quand elle est affalée) est roulé le long de la bôme, chaque écoute est reprise avec un hale bas pour éviter les mouvements inutiles, le régulateur d'allure est branche en soutien de l'auto-pilote et le frein de bôme est fermement étarqué: Panta Rhei est parfaitement calée sur son bord, raide, sans bruit, si ce n'est le sifflement de la quille lorsque elle part en survitesse dans les surfs.... Quelle merveille !

Jeudi 1 décembre:

Record battu: nous couvrons 195 miles en 24 heures, une moyenne de 8.1 noeuds. Le vent est annoncé plus faible dans les prochains jours, ce sera probablement notre meilleure performance du voyage!

Plaisirs du jours: douches sur la plateforme arrière (on s'envoie des dizaines de sauts d'eau de mer à la figure, c'est bon!), après-midi à partager nos goûts musicaux (blind tests à l'appui) et concert de guitare du capitaine (peut-être pas à classer dans la catégorie "plaisir" pour l'équipage, qui n'a malheureusement nulle part où aller).

Vendredi 2 décembre:

Nous contournons une zone de calme au nord, et dévions dès lors notre route vers le sud. Les voiles en ciseaux, nous sommes à présent plein vent arrière. Le bateau est stable malgré la houle et un vent qui faiblit.

Après s'être dandinée à peine vingt minutes au bout de son fil, notre sardine accroche une nouvelle dorade coryphène (une jeune donzelle). Soit nous avons affaire à l'animal le plus stupide de l'Atlantique, soit une longue procession de ces poissons affamés suit notre bateau depuis les Canaries...  à élucider.

Frank passe une fois de plus le "mocho" dans le carré en sifflotant... je crois qu'il y prend goût.

Nous croisons ce soir, à 21h32, un voilier de 48 mètres (le "Regina Maris" d'après les informations transmises par le signal AIS), qui navigue sous notre vent à moins d'un mille nautique... surréaliste dans cette immensité marine, à plus de 560 milles de la première côte.

Notre position actuelle: N 16°48.342'; W 34°59.184' (voir carte google map)
Bon vent a tous!






mercredi 30 novembre 2011

Transat - part I

Day 1 to 6: Gran Canaria.... Cap Vert???!!!

Mardi 22 novembre:

Good bye Puerto de Mogan! Nous quittons cette sympathique marina aux allures de mini Disneyland pour pensionnés: tous les jours, toute la journée, on voit flâner sur les quais, en chemises à fleurs et shorts bariolés, des Allemands, Anglais, Finnois, ou Hollandais savourant leur retraite sous le climat doux (24 degrés, quand même) de cet ilôt pelé, à deux semaines à peine de la Saint Nicolas...

Nous larguons les amarres à 18 heures pour entamer les 2700 milles qui nous séparent de la Martinique, notre prochaine destination...

Panta Rhei et son équipage hétéroclite sont fin prêts. Ian (l'Australien), Francois (le Belge), Frank (de Paname) et le capitaine ont la banane. Panta Rhei est techniquement apte pour la traversée, apres une dizaine de jours d'intenses préparatifs (révision de la timonerie, du pilote automatique, du vit mulet, installation de l'éolienne, réparation du genois, du générateur, entretien du moteur, et remplacement des toilettes...on tient au confort de l'equipage).

Nous entassons dans les cales de quoi nourrir 4 personnes pendant 30 jours en mer (au cas où) et partons le coeur léger dans une faible brise de nord est. La quiétude sera de courte durée: à peine 10 milles parcourus sur notre cap (230 degrés nord), le vent et la mer se lèvent violemment: 3 à 4 mètres d'une houle raide et déferlante accompagnée d'un vent établi à 35 noeuds (rafales à 40 noeuds). Panta Rhei, en surcharge pondérale, roule lourdement mais file bon train à 9 noeuds sous grand voile arisée et trinquette.

La magnifique ratatouille préparée par Frank sera laissée intacte dans l'évier jusqu'au lendemain. Ce soir nous nous contenterons de sandwiches au fromage avant de nous relayer par quart de 2h30 dans une mer noire toujours démontée.

Mercredi 23 novembre:

Le jour se lève sur un paysage marin apaisé et les premiers rayons du soleil projettent sur les quelques nuages bourgeonnant des lumières hallucinantes de beauté.

Afin d'éviter une zone trop calme à l'ouest, nous prenons un cap un peu plus au sud. Nous irons chercher les alizés là où ils sont plus établis, autour du 25ème degré nord, avant de virer vers la Martinique. Le vent de nord est souffle autour de 15/20 noeuds et nous progressons à bonne allure: déjà 160 milles parcourus en 24heures. L'ambiance à bord est bonne. Francois et Frank s'entendent comme larrons en foire. Ian s'adapte et participe de bon coeur à toutes les activités du bord, bien qu'il soit un peu perdu dans le flot des conversations dans un francais certainement trop rapide.

Niveau pêche, trois touches aujourd'hui mais aucun poisson sorti de l'eau. 

Nous passons la nuit sous un magnifique tapis d'étoiles, comme tant d'autres navigateurs passés avant nous dans ces eaux mythiques...

Jeudi 24 novembre:

Tout le monde se réveille barbouillé. Est-ce le mauvais vin entamé hier soir (2 euro la bouteille, on aurait dû se méfier), ou simplement la fatigue? Francois vomit abondamment apres avoir ingurgité son cafe matinal... bizarre, bizarre. Peu après, je remarque en faisant la vaisselle que l'eau a une odeur et un goût prononcés. Elle est même un peu visqueuse... merde, c'est donc là que réside le problème: 800 litres contaminés dans les réservoirs - mais par quoi, par qui, sabotage ??! Après une enquête rapide, et l'une ou l'autre menace de projection par-dessus bord, il apparait que Ian s'est trompé de bouchon, versant les enzymes liquides destinés à traiter le diesel dans... l'eau. Well done!  Les 200ml de ce produit (le Startron) suffisent à rendre les 800 litres d'eau des réservoirs impropres à tout usage autre que la douche. Et encore. Le calcul est vite fait, nous n'arriverons pas à la Martinique avec les 200 litres d'eau stockés en jerricans et bouteilles sans prendre de risque important en cas d'imprévu.

La décision du capitaine est rapidement prise, nous nous déportons vers le Cap Vert, quelques 600 milles plus au sud, et tant pis pour les 4 jours perdus sur notre plan de navigation. L'erreur est humaine, Ian se rachètera plus tard en nous régalant d'un délicieux curry aux légumes - visuellement peu engageant, mais très goûtu!

La providence nous console: levé de sa sieste, le capitaine ramène à bord (après une lutte stratégique et acharnée) une magnifique dorade coriphène de 5 kilos dont nous dégusterons les filets du flan gauche en sashimi, les autres étant conservés pour un délicieux ceviche au menu du déjeuner de demain. 

Le vent se renforce, nous arrivons dans la zone des alizés. Nous expérimentons différentes configurations de voile pour le grand largue et le vent arrière. Nous optons pour la grand voile et le genois tangonné en ciseaux, plus stable et maniable que le spi. Plus de temps à perdre, nous traçons vers Mindelo où nous espérons arriver dans la journée du 28 novembre.

Vendredi 25 novembre:

6 heures du matin, nous passons le Tropique du Cancer (23.7 degrés nord). Le soleil se leve a la verticale, nous sommes exactement sous sa courbe est-ouest. Je fredonne du Gainsbourg, il fait beau, chaque mille nous rapproche des îles du Cap Vert.

Nous installons à bord une routine et des cycles complexes de quart, y compris pour le nettoyage du bateau. Au moment où j'ecris ces lignes, Frank officie comme conchito de bord, passant frénétiquement le mocho dans tous les coins, apparemment insensible aux 2 mètres de houle et aux mouvements constants du bateau.

Il est 12.00 heure locale (13 heure en Europe continentale). Notre position actuelle est: N 22.33 W 20.21. Le vent souffle 
à 15 noeuds nord-nord-est, Panta Rhei file a 7.5 noeuds au grand largue.

Samedi 26 novembre:

Nous sommes en plein régime des alizés, et avançons à une moyenne de 8 noeuds. Nous parcourons entre 160 et 180 milles nautiques par jours depuis notre départ de Gran Canaria. Panta Rhei est réglée comme une horloge et son équipage prêt a répondre promptement à tous les caprices d'Eole...

Nous naviguons aujourd'hui sous genois, avec 2 ris dans la grand voile. Le vent souffle à 20/25 noeuds et est toujours établi nord-est. Le tangon déporté au vent pour gréer le genois en ciseaux est resté en place, fermement triangulé, mais ne sert plus pour le moment. Ce bras extérieur nous permet de mettre en place toutes les configurations de voiles d'avant en moins de cinq minutes, mais donne une étrange allure de chalutier à ce bateau pourtant tellement elegant sur l'eau...

L'équipage est pleinement accoutumé aux rythmes de la navigation en haute mer. Les activités de cambuse sont particulièrement agréables et bien organisées. Nous nous relayons aux fourneaux et mangeons comme des rois grâce à un avitaillement bien pensé et des fruits et légumes de bonne qualité. Ce soir, nous nous régalerons encore de cette exquise dorade pêchée avant hier, sous la lumiere tamisée de la lampe dynamo de Francois (parti en croisade contre toutes choses électriques, y compris les vitres de voiture... bizarre ce garçon).

Au-delà des aspects pratiques de la vie à bord, l'emerveillement d'être ici, d'accomplir ce voyage, grandit jour après jour. Etrangement, la quiétude domine dans cet environnement chaotique et parfois hostile. Le ciel et la mer finissent par vous envahir. En les observant, votre souffle finit par se caler sur celui, plus profond, de la houle océanique. L'horizon est là, comme s'il vous attendait, il vous aspire à lui avec une lenteur infinie, une lenteur jouissive si elle est acceptée... Quel contraste avec nos vies urbaines chronométrées ! Tea time Captain ? Ok Frank merci, j'arrive.

Dimanche 27 novembre:

Les preparatifs vont bon train pour réduire au plus court notre halte technique au Cap Vert. Les 700 litres d'eau contaminée restant dans nos réservoirs sont déversés à la mer (quelle honte) et remplacés par 100 litres provenant de nos jerricans de réserve mélangés à du savon de vaisselle.... le roulement continu du bateau fera le reste pour nettoyer les cuves.

Nous devrions arriver dans le courant de la nuit a Mindelo (ile de Soa Vincente), mais l'approche du port s'avère hasardeuse et nous préférons mettre le bateau à la cape jusqu'à l'aube pour éviter toute prise de risque inutile.

Nous pêchons ce midi notre deuxième dorade coriphène du voyage, tout aussi belle que la première mais légèrement plus petite (trois kilos). Ian, végétarien et grand ami des animaux, assiste médusé au dépeçage de la pauvre bête. Toujours dans le thème animalier, nous accueillons à bord une jolie grue blanche venue, a bout de souffle, se poser sur le pont de Panta Rhei. Elle passera la nuit avec nous avant de reprendre son périple africain.

Nous avons à présent dépassé la Mauritanie et arrivons à hauteur du Senegal. Demain nous serons au Cap Vert. 800 milles parcourus depuis notre départ de Gran Canaria le 22 novembre.

Lundi 28 novembre:

Bem-vindo! Nous sommes arrivés à Mindelo ce matin, sans encombre, et avons la plaisante surprise d'y découvrir une marina bien équipée - elle n'était pas signalée dans les guides. La vie s'écoule paisiblement dans cette bourgade bercée par rythme lancinant de la saudade locale. Les réservoirs du bateau sont lavés et les quelques tâches d'entretien de Panta Rhei rondement menées. Nous profiterons ce soir de la vie nocturne cap verdienne avant de refaire demain matin un avitaillement de fruits et legumes... Nous appareillerons dans l'après-midi pour entamer les 2100 qui nous séparent maintenant de la Martinique.

Notre position actuelle: N 16 53.167'; W 24 59.444'.

Prochaine mise a jours du blog dans trois ou quatre jours, en plein Atlantique. Bon vent a tous!





30 novembre - Depuis Bruxelles...

J'ai du mal à croire que nous voila rentrés depuis plus de deux semaines: nous avons retrouvé avec bonheur la famille, les copines et les copains, l'école, les parcs, le musée des dinosaures, les couleurs de l'automne, les bains du soir, la mer du Nord, les feux de bois et les speculoos. A part le froid glacial qu'il fait ici, et qui contraste violemment avec ce que nous avons connu pendant six mois, l'acclimatation s'est faite très en douceur. Encore une fois, les enfants sont désarmants de souplesse et de facilité d'adaptation. Il a juste fallu, un peu laborieusement, réapprendre à porter des chaussures fermées et à se moucher le nez...

A quelques milliers de kilomètres d'ici, l'aventure continue sur Panta Rhei. A l'heure qu'il est, après un faux-départ depuis Gran Canaria (voir "post" suivant"), Marc, Frank, François et Ian sont quelque part dans l'Atlantique, cap sur Sainte Lucie.

Je viens de recevoir le premier email de ce qui devrait être une série (Marc l'a promis, pour le reste on compte sur le satellite), contenant des mises à jour de sa progression via des points Google Map et des comptes-rendus du quotidien à bord.

Ici, je cède donc tout naturellement la plume (le récit de la vie bruxelloise, toute pleine de charme soit-elle, manque trop d'exotisme pour trouver sa place sur le blog) en relayant les infos envoyées par Marc, dont on espère des nouvelles régulièrement...





vendredi 11 novembre 2011

Gran Canaria - end of Chapter One !

Il s'avère bien vite que la marina de Puerto de Mogan n'est pas à la hauteur des louanges lues dans les guides nautiques: les abords des pontons sont agréables, faits de petites maisons blanches à un étage aux châssis colorés, et pleins de fleurs. Mais les aspects pratiques de la vie à bord, accrochés au quai, laissent à désirer: l'accès au bateau se fait par une échelle très sommairement accrochée et qui, vu l'amplitude des marées, se trouve régulièrement à deux ou trois mètres de la jupe arrière - chaque montée ou descente du bateau requiert donc des étirements de chat, et l'angoisse de laisser tomber quelque chose (ou un enfant!) dans l'eau du port... Par ailleurs, les douches sont assez infectes, le wifi (payant) fonctionne par intermittence, le container à poubelles est au bout du monde, et il n'y a pas de laverie à moins de dix kilomètres... Alors on compose: les enfants sont hissés à bord dans le harnais qui sert à monter au mât, on se douche un jour sur deux, on va chercher du wifi dans les restaurants qui longent le quai, et on prend un taxi, sac de linge sur le dos, jusqu'à la laverie la plus proche.

Pour le reste, nous retrouvons avec plaisir Mirko, Théa et Aurélien, de passage à Gran Canaria pour quelques jours: les enfants vont "jouer chez eux", nous passons ensemble une après-midi au bord de la piscine d'un restaurant de la marina, ils viennent dîner à bord, bref nous n'en perdons pas une miette.

Lundi 31, trois jours après notre arrivée, Ariane et Max atterrissent à Las Palmas. Marc va les chercher à l'aéroport pendant que je les attends, bondissante d'excitation... Vers 22h ils sont là, et Max s'endort très vite et très paisiblement dans sa cabine, après avoir surmonté comme un champion l'angoisse de devoir quitter les bras de Maman, rompu de fatigue, pour descendre cette effrayante échelle qui baigne dans l'eau noire. C'est délicieux, délicieux, délicieux d'avoir Ariane à bord, et très difficile d'interrompre l'euphorie des retrouvailles pour aller dormir...

Le lendemain, après un bout de journée à paresser avec les trois garçons au bord de la piscine, nous accueillons Olivier, Félix et Cassandre: la bande est au complet, il y a davantage d'enfants que d'adultes, on sort jouets, crayons et déguisements, c'est la fête!

Nous passons ensemble (à neuf sur Panta Rhei, un record!) trois jours à bord. Un séjour très court, mais bien rempli: une petite sortie en mer (pas de vent, pas de mer, tant mieux pour l'acclimatation), une expédition en sous-marin (autour d'une épave située à l'entrée du port, impressionnante), beaucoup de jeux, de grandes tablées au restaurant, et de très bons moments dans le cockpit, à quatre, à discuter dans la douceur du soir une fois les enfants couchés...

Merci à tous les cinq d'être venus jusqu'ici, d'avoir fait un voyage long et fatigant pour si peu de temps sur place, et de vous être si bien accommodés de la vie sur le bateau...sans le plaisir de la mer! Pourvu que vous reveniez tous nous rendre encore visite, de l'autre côté de l'Atlantique, pour goûter au bonheur de la navigation d'île en île, des eaux turquoises, des baies sauvages et des plages dorées (Maurice, tu viendras ?)...

Une fois les copains partis, Marc se remet à orchestrer intensivement le bal des ouvriers: inox, générateur, winches, gouvernail, voiles, mât et bôme, quille - tout est révisé, contrôlé, réparé, remis à neuf en vue de la traversée vers les Caraïbes. Cela se précise en effet: ce samedi 12 novembre, les enfants et moi nous envolerons pour Bruxelles (mais au fond...nous n'avons ni vestes ni chaussettes!!) tandis que notre camarade Ian reviendra à bord, suivi de près par François et Frank, et l'équipage de la transat sera au complet. Nous avons salué cet après-midi nos voisins de quai - un superbe voilier à l'ancienne astiqué depuis deux semaines par un staff assidu - qui partaient, sourire aux lèvres, pour leur grande traversée: "See you in Saint Lucia!"

Ici s'achève donc le premier chapitre de notre aventure, qui nous a déjà fait voir tant de belles choses, accumuler tant de souvenirs de lieux et de gens, et nous émerveiller souvent...

Good luck darling Capt'n, fair winds and following seas...and indeed, see you in the Caribbean!

Gran Canaria - autour de Puerto de Mogan

dimanche 30 octobre 2011

Canaries - vers Gran Canaria

28 octobre, 10h30. Après une séjour idyllique à Tenerife, entre la piscine de l'hôtel Abama et les balades sur l'île, nous entamons en sifflotant ce qui sera, pour les enfants et moi, la dernière traversée avant de clôturer le premier chapitre de notre voyage familial: de Gran Canaria, nous prendrons en effet l'avion pour rentrer à Bruxelles, avant de retrouver Marc dans les Caraïbes...

En sifflotant, donc, d'autant que la distance est courte: 50 milles seulement, le trajet n'inclut même pas une nuit en mer!

Nous étions bien loin d'imaginer que cela serait aussi, et de loin, la pire des traversées que nous ayons effectuées jusqu'ici: la météo annonçait 20 noeuds de vent et un peu de houle, nous avons eu 30 noeuds établis et une mer très formée. A l'exception de Luca qui, imperturbable, semblait à peine réaliser que nous naviguions, nous avons tous dû lutter contre le mal de mer. Car les vagues croisées ne suffisant pas, nous avons été contraints de composer avec une entêtante odeur d'essence, dès lors que Marc a rapidement repéré une fuite localisée dans le coqueron arrière (tuyau d'aération du moteur du générateur, crachant du diesel à cause de la forte gîte). Les mouvements du bateau et les vapeurs de fuel constituent un mélange redoutable...

Les enfants parviennent à dormir un peu malgré tout, mais à une dizaine de milles de l'arrivée la situation se corse encore: la houle augmente, le vent souffle par rafales jusqu'à 40 noeuds, il est trop tard pour mettre un troisième ris dans la grand voile, il faut remballer la trinquette (petite voile de gros temps, située devant le gênois), Marc, trempé et grelottant, est accroché à la barre (impossible, dans ces conditions, de laisser travailler l'auto-pilote) en grognant des jurons (pour la première fois, j'ai carrément peur), et Vadim, n'en pouvant plus, arrose le cockpit de vomi - ce qui n'a pas, fort heureusement, l'effet de contagion cataclysmique que je craignais. "Nom masc. désignant un point de plus grande intensité d'une force dans une série ascendante": oui, il s'agit bien d'un climax.

Sans le soleil, le ciel bleu azur et la vision de la terre proche, j'aurais affirmé qu'il s'agissait de conditions apocalyptiques... Le bonheur et le soulagement éprouvés à l'arrivée dans la marina de Puerto de Mogan sont à la hauteur de ce que nous avons vécu pour y parvenir (en 8 heures seulement grâce à des pointes à 10 noeuds, c'est déjà ça). Finalement, tout le monde a fait preuve de bravoure et de cran (mention spéciale au capitaine, incontestablement héros-du-jour) et Panta Rhei nous a montré qu'elle n'avait, elle, peur de rien...



vers Gran Canaria - on ne dirait pas, comme ça...

samedi 29 octobre 2011

Canaries - Tenerife

Vendredi 21, 11 heures. Nous quittons Lanzarote pour Tenerife: 170 milles environ, soit une trentaine d'heures de navigation... "seulement". Nous arrivons à destination le lendemain vers 13 heures, après une traversée sans problème qui nous aura paru (comme quoi tout est relatif) bien courte au regard de ce que nous avons avalé comme distance récemment...

La marina del Sur, dont Marc avait lu grand bien dans différents guides et sites d'information, est pour le moins décevante: les environs sont moches, le service est mauvais, le quai déglingué, les installations (bureaux, sanitaires) douteuses. Pour achever de donner à l'endroit un aspect troublant, notre voisin de quai polonais passe l'après-midi tout entière à astiquer son magnifique voilier baptisé "Carrot", vêtu en tout et pour tout d'un slip brillant et d'une chaîne en or, en écoutant, volume au maximum, du rap slave: je n'y comprends goutte mais le chanteur n'a pas l'air bien content...

Nous décidons néanmoins de ne pas nous enfuir tout de suite, car rendez-vous est pris pour le lendemain avec Cécile Hédo et (une partie de) sa famille, tout juste arrivés dans l'hôtel où ils passeront deux semaines de vacances: avec un peu de scrupule (mais un moment de honte est vite passé, comme disait mon grand-père...), nous acceptons de venir passer la journée "chez eux". Nous ne serons pas déçus, que du contraire: non seulement l'endroit est magnifique, mais l'accueil chaleureux et bienveillant que nous ont réservé Cécile, sa soeur Ariane, leurs parents, leur tante, ainsi que Clémentine (que Luca trépignait de revoir après si longtemps!) et Ernest nous a touchés droit au coeur. Nous sommes entièrement et unanimement sous le charme de cette famille dont il émane quelque chose de merveilleusement tendre, simple et généreux de soi, autant de qualités rares et attachantes... Aussi, nous ne nous faisons pas prier pour revenir le surlendemain, après avoir quand même réussi à leur faire accepter à notre tour une invitation pour une micro-navigation, dans l'intervalle, vers la marina de San Miguel (sensiblement mieux que la précédente): mouillage à l'ancre pour le déjeuner, baignade, quelle joie d'avoir pu les accueillir à bord! Notre seul regret est d'avoir raté Greg et Violette, coincés à Bruxelles jusqu'au début des vacances scolaires, cinquième année primaire oblige...

Depuis San Miguel (où nous repérons Never Mind, que Laurent Drion et son équipage ont laissé se reposer de sa traversée depuis Gibraltar avant d'entamer, à peu près en même temps que Marc, la transat dans quelques semaines...), nous louons pour trois jours une voiture dont nous faisons bon usage: déambulation dans les allées du jardin botanique de Puerto de la Cruz, visite -et déjeuner "typique", exquis- dans la ville d'Orotava, promenade dans le paysage lunaire (lieu de tournage du premier volet de "La Planète des Singes"...) du magnifique parc national du Teide, le volcan qui constitue le plus haut sommet d'Espagne.

Tenerife avec Clementine

Canaries - Lanzarote

19 octobre, nous levons l'ancre en milieu de matinée pour prendre place à l'intérieur de la marina Rubicon, qui s'avère être aussi un village de vacances: les rues et le front de mer grouillent de monde, mais nous ne rechignons pas devant un petit bain de foule, même si le contraste avec les jours qui ont précédé est intense!

Nous mettons donc le pied à terre pour la première fois depuis cinq jours, les enfants ne marchent pas, ils bondissent...mais réclament assez vite de remonter à bord pour jouer...

Il y a ici tout ce qu'il faut pour se remettre de -et presque oublier!- notre séjour en haute mer: commerces, bars, musique, piscine, château gonflable... Nous retrouvons aussi, avec grand plaisir, Ortemi et Kuanidup et leurs équipages respectifs, rencontrés à Gibraltar quelques jours auparavant. Ainsi, nous passons du temps (le plus possible...) avec Mirko et Théa, un couple italo-suisse parti avec leur fils Aurélien, 4 ans, pour un voyage en voilier d'une durée et d'un tracé encore indéterminés. Prendre les choses comme elles viennent, voilà une belle et sage façon d'envisager la mer!


marina Rubicon - Lanzarote

vendredi 21 octobre 2011

Traversée Gibraltar - Canaries: 14-18 octobre

Vendredi 14 octobre - Jour 1


6h, nous quittons Gibraltar et naviguons en zig-zag pour attraper un courant favorable, et atteignons 6,8 noeuds au moteur. Un épais nuage de brume cache les côtes marocaines.
9h30, nous longeons la côte espagnole, attendant que la brume se lève pour traverser la route des cargos. Le spectacle est irréel, la vue est bientôt occultée par le brouillard, nous tendons l'oreille pour localiser d'où proviennent les appels des cornes de brume, les cargos surgissant ça et là de l'horizon...
15h, la brume s'est levée, il fait grand bleu. Le moteur continue à tourner, c'est le calme plat. Le moment idéal pour passer la tête des enfants sous la tondeuse...
18h, nous levons, enfin, la grand voile. 6,3 noeuds.
19h, les rayons du soleil pénètrent en oblique dans l'océan, c'est l'heure de la pêche: nous attrapons un beau gros poisson - qui meurt de frayeur (crise cardiaque !?) tandis que Marc mouline pour le ramener à bord. Nos lectures dans la littérature spécialisée nous permettent rapidement de l'identifier comme étant une bonite à ventre rayé: relativement rare et, d'après le pictogramme "2 fourchettes", très apprécié pour sa chair tendre...
21h, le brouillard se lève à nouveau, Marc initie Ian et moi à l'utilisation du radar en vue des quarts de nuit.
23h, je prends mon quart, le temps est clair, la grand voile et le gênois sont hissés, nous avançons à une moyenne de 6,5 noeuds par vent trois-quart arrière. Cap 229°, la lune est presque pleine.
Minuit, 95 milles parcourus.

Samedi 15 octobre - Jour 2


6h, le canal 16 (canal d'urgence...) émet de drôles de grognements d'animaux: les gémissements d'un matelot luttant contre le sommeil devant son ordinateur de bord? Leur volume et leur intensité augmentent tant que Marc, craignant que les enfants ne se réveillent en panique, éteint la VHF...
11h, l'allure est confortable, le vent est faible mais constant.
15h, le vent est tombé. La grand voile ne suffit plus, il faut redémarrer le moteur.
17h, Marc tente en vain de hisser le spi, qui refuse de sortir de sa chaussette.
20h, 211 milles parcourus.

Dimanche 16 octobre - Jour 3

4h, il n'y a plus un souffle de vent. Et moi qui appréhendais un océan déchaîné... Moteur encore, 5 noeuds, cap 209°.  Sans vent et avec une mer légèrement formée, le bateau roule un peu. Les enfants dorment comme des anges.
14h, plus de roulis, mais toujours le calme plat.
15h30, on se met en "fausse panne" pour immobiliser (ou presque) le bateau, lâchons une amarre avec une bouée à l'arrière, et sautons tous à l'eau: nous nageons en plein Atlantique! Nous sommes à peine sortis de l'eau que le vent se lève juste ce qu'il faut, nous hissons le spi (Marc a manifestement trouvé les mots pour lui faire accepter de se glisser docilement hors de sa chaussette) et filons à un peu plus de 8 noeuds. L'allure est idéale.

Si nos prévisions sont exactes, nous devrions arriver en milieu de nuit au large d'Essaouira. Nous appelons Asma par téléphone satellite, qui accepte gentiment de se rendre à la capitainerie pour se renseigner sur les possibilités d'amarrage dans le port. Deux heures plus tard, nous reconnectons avec elle, elle n'a pu obtenir aucun renseignement (c'est dimanche, après tout). Les informations éparses que nous avons pu rassembler de notre côté ne sont pas très engageantes: Essaouira n'est pas un port d'entrée, on risque donc de devoir surmonter d'insurmontables (ou potentiellement très onéreux...) problèmes de douane. Par ailleurs, l'entrée dans le port de pêche - que nous connaissons bien, et dans lequel nous n'avons que très rarement vu des bateaux de plaisance - est périlleuse, et rien ne nous garantit qu'il peut accueillir un voilier de taille et de tirant d'eau pareil au nôtre. Nous finissons donc par prendre la crucifiante décision de renoncer à une halte symbolique, un pélerinage presque, sur les lieux de nos aventures passées...

22h, le vent va et vient. Nous baissons le spi, et avançons sous grand voile et gênois avec un cap un peu plus à l'ouest pour passer en vent trois quart arrière et réduire le roulis. Nous maintenons vaille que vaille une moyenne de 5,5 noeuds.
Minuit, tandis que Marc est de quart nous recevons la visite d'un petit oiseau, vraisemblablement fatigué par le vol qui l'a amené jusqu'ici, si loin des côtes. Il vient chercher du repos, et s'endort près de la barre après avoir accepté un peu d'eau et des miettes de pain.
360 milles parcourus.

Lundi 17 octobre - Jour 4

3h, du vent, enfin! 12 noeuds bien orientés, nous filons à belle allure (7,8 noeuds) après avoir empanné pour retrouver un cap qui devrait nous amener en ligne droite sur Lanzarote.
15h, après de longues hésitations, le vent décide de retomber à nouveau. Et le moteur vrombit...
15h30, des dauphins, spectacle garanti à la proue du bateau!
18h30, nous levons le spi, et atteignons 6,8 noeuds de vitesse.
Minuit, 508 milles parcourus. Très faible vent arrière, le spi est baissé.

Mardi 18 octobre - Jour 5

La nuit se passe principalement au moteur.
11h, nous empannons, hissons le spi et mettons le cap à 190°. Le vent souffle à 6-7 noeuds.
15h, il faut rallumer le moteur...
17h30, terre en vue! Par un effet d'accélération dû à la proximité de la côte de Lanzarote, le vent augmente jusqu'à 15 noeuds, nous surfons sous spi avec des pointes à 9 noeuds. Il fait grand soleil, l'humeur est gaie, on y est presque...
Minuit pile, nous mouillons l'ancre devant la marina Rubicon (au signifiant puissant...) sur la côte sud de Lanzarote.

*****

Et voilà - 5 jours et 4 nuits au large, 650 milles parcourus: pour Marc, une distance à peu près équivalente à ce qu'il avait effectué entre Brest et Lisbonne l'année dernière; pour Ian, moitié moins de ce qu'il a fait de plus long lors de son voyage entre Bali et Alicante; pour les enfants et moi, une expérience tout à fait nouvelle, à la fois un aventure enrichissante et un défi. Une autre façon d'envisager le temps qui passe, parfois effroyablement lentement, une manière d'apprendre à se défaire -laborieusement- de nos repères connus. Mais aussi une extraordinaire expérience d'autonomie absolue et de quiétude (sous les étoiles, ou devant l'horizon baigné de soleil), la possibilité d'une belle rencontre avec Ian, dont la présence à bord n'a été que bénéfique, et l'occasion de découvrir, en chacun de nous, des ressources jusque là inconnues...

Quand, en milieu de parcours, nous complimentions les enfants pour leur patience, leur comportement (presque) exemplaire et leur formidable capacité d'adaptation, nous leur avons demandé s'ils s'ennuyaient. Luca, du tac au tac, a répondu: "Non, pas du tout", et Vadim, après un moment de réflexion: "Mmmmh, juste un tout petit peu"...  Well done boys, une fois de plus vous nous avez impressionnés...


An important crew member

jeudi 13 octobre 2011

La Linea - suite et fin: Ronda, Tarifa, Séville, Gibraltar

Trois semaines, déjà, que Panta Rhei n'a pas bougé!

Depuis le départ de Claudia & Mario, nous avons continué à rayonner un peu: Ronda et ses impressionnantes arènes (où les enfants, les index levés au-dessus de la tête, se fantasmaient non pas en habit de lumière mais en...taureaux fâchés. Bien plus marrant, évidemment), Tarifa et sa belle plage (tiens, les boudins de l'aile du kitesurf sont réparés!) ou encore Séville et son labyrinthique jardin de l'Alcazar (Luca, Vadim & moi y avons laissé Marc à l'aéroport en fin d'après-midi le mercredi 5, pour le retrouver à Malaga le surlendemain - après que Jurjen, notre avocat, et lui soient enfin parvenus, devant le juge du tribunal de première instance de Middelburg, à faire accepter à l'infâme Bert B. le principe d'une transaction).

Ronda

Tarifa

Séville


Pour le reste, les journées dans le no man's land de La Linea de la Concepcion se suivent et, à la longue, se ressemblent un peu trop: quelques rencontres parmi nos voisins de quai (Anglais, Américains, Suisses, Français, Australiens, Suédois, Colombiens, Allemands - pour la plupart, comme nous, de passage ici avant de descendre vers les Canaries et/ou le Cap Vert, puis les Caraïbes - on échange impressions, expériences et projets de route: passer par Madère, ou pas? Faire une halte sur la côte atlantique du Maroc (Essaouira?!), ou pas?), beaucoup d'allers-retours à la plaine de jeux, l'une ou l'autre incursion à Gibraltar (incroyable tout ce que Marc peut trouver à acheter chez le ship chandler!), et, surtout, d'interminables heures passées à chercher, avec l'improbable binôme italo-marocain Renato (électricien/électronicien/mécanicien attitré de la marina, le cheveu mi-mong toujours impeccablement lissé et la chaîne brillant autour du cou) et Mohammed (son assistant, qui quand il ne regarde pas le Maître travailler fait volontiers de la plasticine avec les enfants...), à percer le mystère du générateur qui refuse de fonctionner.

La chaleur et le franc soleil, qui rendent encore possible un peu de barbotage dans la mer, nous aident à trouver le temps moins long. Mais le besoin de reprendre la route (ou plutôt, la mer) se fait pressant.

Nous avons accueilli à bord, avant-hier soir, notre nouvel équipier: Ian Smith, un Australien un brin plus âgé que nous, et rompu aux traversées, qui nous accompagnera jusque dans les Canaries. Il fait le tour du monde à la voile... en boat-stop et a déjà rallié Bali à l'Espagne avec un skipper qui, pour les besoins de la suite de sa "circumnavigation", lui a écrit une lettre de recommandation enthousiaste ("proactive with sound suggestions for possible improvements", "really reliable watchkeeper", "religiously fair in pulling his weight", "...the original quiet achiever"). Well well, voilà qui place les attentes assez haut!

Jusqu'ici, tout se passe admirablement avec lui - à la nuance près que, pour se comprendre, les enfants et lui devront chacun faire un effort pour apprendre la langue de l'autre: les tentatives de communication des garçons, limitées à des citations dans leur anglais à eux (c'est-à-dire, en yaourt) de "Kung-fu Panda", ne se sont, pour leur plus grande déception, pas révélées concluantes...

Bien que n'ayons pas encore navigué ensemble (ou rien qu'un tout petit peu, pour amener le bateau hier soir jusqu'à l'autre côté de la frontière anglo-espagnole, à Gibraltar, afin de prendre livraison de l'éolienne, faire le plein d'essence et achever de préparer le bateau pour la traversée), toutes les qualités vantées par son précédent skipper semblent se vérifier. En plus il est sympa, aussi Marc lui a déjà proposé (...et il a accepté) de l'accompagner jusque dans les Caraïbes. Ahoy, Ian !

Le départ est prévu demain vendredi, à l'aube, pour environ 700 milles - soit 5 à 6 jours de traversée. Now we're talking...

La Linea- Gibraltar

mercredi 5 octobre 2011

La Linea: Vejer de la Frontera & Cadiz

Jeudi 22, nous cueillons Claudia & Mario à l'aéroport de Malaga. Les enfants ne peuvent pas la lâcher, si heureux qu'ils sont de la revoir... Nous nous arrêtons, sur la route du retour, nous tremper timidement (c'est la fin de l'été, et nous nous approchons de l'Atlantique, la mer n'est plus comme un bain chaud) dans les vagues sur une plage de Marbella. Six ans que Claudia n'avait pas nagé... Nous savourons tous de bons moments ensemble, et les jeunes mariés (ils fêteront ici leur premier anniversaire de mariage) sont enchantés de découvrir Panta Rhei, notre nouvelle maison dans laquelle ils sont très vite comme chez eux.

Nous passons ensuite quatre jours a sillonner la région, empilés dans la petite voiture que nous avons louée pour l'occasion: Vejer de la Frontera (halte improvisée sur la route de Cadiz, ravissant "pueblo blanco" comme l'Andalousie en compte beaucoup), Cadiz, Gibraltar (passage de la frontière à pied et ascension du rocher en télécabine à la rencontre des singes).






Vejer de la Frontera


25 septembre, nous fêtons le double anniversaire de Marc et Mario, partons à l'aventure et arrivons, presque par hasard, à Castillo de Castellar: un spectaculaire village niché dans les murs d'enceinte d'un château construit entre le XIIème et le XVème siècle, au sommet d'une colline. La vue y est superbe, le décor est presque irréel: des ruelles sinueuses entre des maisons au blanc éclatant (pour la plupart, des "casas rurales" à louer pour des séjours eco-friendly), des fleurs partout, des rapaces planant au-dessus de nos têtes. Nous croisons en tout et pour tout deux couples de jeunes mariés en pleine séance de photos...et un fauconnier attendant le chaland pour faire poser (contre rémunération bien entendu) son impressionnant camarade.

Après une dernière journée à six, passée sur la plage du Levant à quelques encablures de la marina de La Linea, Marc reconduit Claudia & Mario (à trois heures et demi du matin...) à Malaga. Les adieux sont aussi émus que l'avaient été les retrouvailles...


Espana-UK

jeudi 29 septembre 2011

La Linea de la Concepcion (Gibraltar) - 19-21 septembre

Nous quittons Almerimar -et les côtes couvertes de serres sur des kilomètres entiers- en milieu de journée le 19, pour entamer notre dernière traversée avant de mettre Panta Rhei (et son équipage) "au repos" pendant un long moment au pied du rocher de Gibraltar.

Vadim avale un demi-touristil (victoire!) et la traversée se passe sans problème - nous avons, une fois encore, la visite d'un groupe de dauphins. Ils nous offrent un spectacle plus distrayant que toutes les parties de il-ou-elle ou d'Angry Bird, les films, les livres ou les chansons (derniers hits en date: "l'Auvergnat" et "la Licorne" - merci encore Ariane pour le chansonnier qui n'a pas fini de nous régaler): ils sont vingt, trente peut-être, et passent un très long moment à se frotter à la coque du bateau, à danser dans les vagues à la proue et à bondir sous nos yeux ravis!

Vers 10 heures du matin le lendemain, Gibraltar est en vue et le trafic de cargos s'intensifie... Quel endroit étonnant que ce morceau de Royaume-Uni d'où l'on a l'impression de pouvoir toucher l'Afrique, séparé de l'Espagne par une piste d'atterrissage (que l'on traverse à pied (!) après le contrôle d'immigration), un rocher dont le sommet, habité par une colonie de signes vivant en totale liberté (et qui ne sont, paraît-il, pas indigènes mais immigrés d'Algérie: comment, je l'ignore...) est presque toujours auréolé d'un gros nuage...

Nous nous postons dans la marina de La Linea de la Concepcion (côté espagnol de la frontière, cela va sans dire), d'où Panta Rhei ne bougera plus pendant deux à trois semaines: le temps d'explorer la région, de recevoir la visite de Claudia, la nounou adorée des enfants (et vice-versa) et de son mari Mario, et le temps pour Marc d'effectuer un aller-retour éclair aux Pays-Bas pour les besoins du contentieux Stocker vs. Bert B., le brigand qui a effectué les substantiels travaux de rénovation du bateau, et qui a bien failli compromettre notre voyage!

Mercredi 21, Laurent Drion nous contacte pour nous faire savoir qu'il est, avec un équipage de quatre copains, dans la marina de Gibraltar d'où ils partiront le lendemain pour descendre vers les Canaries à bord de Never Mind, son magnifique catamaran de 50 pieds (une grosse bête...). Nous convenons donc de nous voir et passons un moment avec eux, à boire du café pour les uns et sauter sur les filets pour les autres...

Gibraltar