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mercredi 30 novembre 2011

Transat - part I

Day 1 to 6: Gran Canaria.... Cap Vert???!!!

Mardi 22 novembre:

Good bye Puerto de Mogan! Nous quittons cette sympathique marina aux allures de mini Disneyland pour pensionnés: tous les jours, toute la journée, on voit flâner sur les quais, en chemises à fleurs et shorts bariolés, des Allemands, Anglais, Finnois, ou Hollandais savourant leur retraite sous le climat doux (24 degrés, quand même) de cet ilôt pelé, à deux semaines à peine de la Saint Nicolas...

Nous larguons les amarres à 18 heures pour entamer les 2700 milles qui nous séparent de la Martinique, notre prochaine destination...

Panta Rhei et son équipage hétéroclite sont fin prêts. Ian (l'Australien), Francois (le Belge), Frank (de Paname) et le capitaine ont la banane. Panta Rhei est techniquement apte pour la traversée, apres une dizaine de jours d'intenses préparatifs (révision de la timonerie, du pilote automatique, du vit mulet, installation de l'éolienne, réparation du genois, du générateur, entretien du moteur, et remplacement des toilettes...on tient au confort de l'equipage).

Nous entassons dans les cales de quoi nourrir 4 personnes pendant 30 jours en mer (au cas où) et partons le coeur léger dans une faible brise de nord est. La quiétude sera de courte durée: à peine 10 milles parcourus sur notre cap (230 degrés nord), le vent et la mer se lèvent violemment: 3 à 4 mètres d'une houle raide et déferlante accompagnée d'un vent établi à 35 noeuds (rafales à 40 noeuds). Panta Rhei, en surcharge pondérale, roule lourdement mais file bon train à 9 noeuds sous grand voile arisée et trinquette.

La magnifique ratatouille préparée par Frank sera laissée intacte dans l'évier jusqu'au lendemain. Ce soir nous nous contenterons de sandwiches au fromage avant de nous relayer par quart de 2h30 dans une mer noire toujours démontée.

Mercredi 23 novembre:

Le jour se lève sur un paysage marin apaisé et les premiers rayons du soleil projettent sur les quelques nuages bourgeonnant des lumières hallucinantes de beauté.

Afin d'éviter une zone trop calme à l'ouest, nous prenons un cap un peu plus au sud. Nous irons chercher les alizés là où ils sont plus établis, autour du 25ème degré nord, avant de virer vers la Martinique. Le vent de nord est souffle autour de 15/20 noeuds et nous progressons à bonne allure: déjà 160 milles parcourus en 24heures. L'ambiance à bord est bonne. Francois et Frank s'entendent comme larrons en foire. Ian s'adapte et participe de bon coeur à toutes les activités du bord, bien qu'il soit un peu perdu dans le flot des conversations dans un francais certainement trop rapide.

Niveau pêche, trois touches aujourd'hui mais aucun poisson sorti de l'eau. 

Nous passons la nuit sous un magnifique tapis d'étoiles, comme tant d'autres navigateurs passés avant nous dans ces eaux mythiques...

Jeudi 24 novembre:

Tout le monde se réveille barbouillé. Est-ce le mauvais vin entamé hier soir (2 euro la bouteille, on aurait dû se méfier), ou simplement la fatigue? Francois vomit abondamment apres avoir ingurgité son cafe matinal... bizarre, bizarre. Peu après, je remarque en faisant la vaisselle que l'eau a une odeur et un goût prononcés. Elle est même un peu visqueuse... merde, c'est donc là que réside le problème: 800 litres contaminés dans les réservoirs - mais par quoi, par qui, sabotage ??! Après une enquête rapide, et l'une ou l'autre menace de projection par-dessus bord, il apparait que Ian s'est trompé de bouchon, versant les enzymes liquides destinés à traiter le diesel dans... l'eau. Well done!  Les 200ml de ce produit (le Startron) suffisent à rendre les 800 litres d'eau des réservoirs impropres à tout usage autre que la douche. Et encore. Le calcul est vite fait, nous n'arriverons pas à la Martinique avec les 200 litres d'eau stockés en jerricans et bouteilles sans prendre de risque important en cas d'imprévu.

La décision du capitaine est rapidement prise, nous nous déportons vers le Cap Vert, quelques 600 milles plus au sud, et tant pis pour les 4 jours perdus sur notre plan de navigation. L'erreur est humaine, Ian se rachètera plus tard en nous régalant d'un délicieux curry aux légumes - visuellement peu engageant, mais très goûtu!

La providence nous console: levé de sa sieste, le capitaine ramène à bord (après une lutte stratégique et acharnée) une magnifique dorade coriphène de 5 kilos dont nous dégusterons les filets du flan gauche en sashimi, les autres étant conservés pour un délicieux ceviche au menu du déjeuner de demain. 

Le vent se renforce, nous arrivons dans la zone des alizés. Nous expérimentons différentes configurations de voile pour le grand largue et le vent arrière. Nous optons pour la grand voile et le genois tangonné en ciseaux, plus stable et maniable que le spi. Plus de temps à perdre, nous traçons vers Mindelo où nous espérons arriver dans la journée du 28 novembre.

Vendredi 25 novembre:

6 heures du matin, nous passons le Tropique du Cancer (23.7 degrés nord). Le soleil se leve a la verticale, nous sommes exactement sous sa courbe est-ouest. Je fredonne du Gainsbourg, il fait beau, chaque mille nous rapproche des îles du Cap Vert.

Nous installons à bord une routine et des cycles complexes de quart, y compris pour le nettoyage du bateau. Au moment où j'ecris ces lignes, Frank officie comme conchito de bord, passant frénétiquement le mocho dans tous les coins, apparemment insensible aux 2 mètres de houle et aux mouvements constants du bateau.

Il est 12.00 heure locale (13 heure en Europe continentale). Notre position actuelle est: N 22.33 W 20.21. Le vent souffle 
à 15 noeuds nord-nord-est, Panta Rhei file a 7.5 noeuds au grand largue.

Samedi 26 novembre:

Nous sommes en plein régime des alizés, et avançons à une moyenne de 8 noeuds. Nous parcourons entre 160 et 180 milles nautiques par jours depuis notre départ de Gran Canaria. Panta Rhei est réglée comme une horloge et son équipage prêt a répondre promptement à tous les caprices d'Eole...

Nous naviguons aujourd'hui sous genois, avec 2 ris dans la grand voile. Le vent souffle à 20/25 noeuds et est toujours établi nord-est. Le tangon déporté au vent pour gréer le genois en ciseaux est resté en place, fermement triangulé, mais ne sert plus pour le moment. Ce bras extérieur nous permet de mettre en place toutes les configurations de voiles d'avant en moins de cinq minutes, mais donne une étrange allure de chalutier à ce bateau pourtant tellement elegant sur l'eau...

L'équipage est pleinement accoutumé aux rythmes de la navigation en haute mer. Les activités de cambuse sont particulièrement agréables et bien organisées. Nous nous relayons aux fourneaux et mangeons comme des rois grâce à un avitaillement bien pensé et des fruits et légumes de bonne qualité. Ce soir, nous nous régalerons encore de cette exquise dorade pêchée avant hier, sous la lumiere tamisée de la lampe dynamo de Francois (parti en croisade contre toutes choses électriques, y compris les vitres de voiture... bizarre ce garçon).

Au-delà des aspects pratiques de la vie à bord, l'emerveillement d'être ici, d'accomplir ce voyage, grandit jour après jour. Etrangement, la quiétude domine dans cet environnement chaotique et parfois hostile. Le ciel et la mer finissent par vous envahir. En les observant, votre souffle finit par se caler sur celui, plus profond, de la houle océanique. L'horizon est là, comme s'il vous attendait, il vous aspire à lui avec une lenteur infinie, une lenteur jouissive si elle est acceptée... Quel contraste avec nos vies urbaines chronométrées ! Tea time Captain ? Ok Frank merci, j'arrive.

Dimanche 27 novembre:

Les preparatifs vont bon train pour réduire au plus court notre halte technique au Cap Vert. Les 700 litres d'eau contaminée restant dans nos réservoirs sont déversés à la mer (quelle honte) et remplacés par 100 litres provenant de nos jerricans de réserve mélangés à du savon de vaisselle.... le roulement continu du bateau fera le reste pour nettoyer les cuves.

Nous devrions arriver dans le courant de la nuit a Mindelo (ile de Soa Vincente), mais l'approche du port s'avère hasardeuse et nous préférons mettre le bateau à la cape jusqu'à l'aube pour éviter toute prise de risque inutile.

Nous pêchons ce midi notre deuxième dorade coriphène du voyage, tout aussi belle que la première mais légèrement plus petite (trois kilos). Ian, végétarien et grand ami des animaux, assiste médusé au dépeçage de la pauvre bête. Toujours dans le thème animalier, nous accueillons à bord une jolie grue blanche venue, a bout de souffle, se poser sur le pont de Panta Rhei. Elle passera la nuit avec nous avant de reprendre son périple africain.

Nous avons à présent dépassé la Mauritanie et arrivons à hauteur du Senegal. Demain nous serons au Cap Vert. 800 milles parcourus depuis notre départ de Gran Canaria le 22 novembre.

Lundi 28 novembre:

Bem-vindo! Nous sommes arrivés à Mindelo ce matin, sans encombre, et avons la plaisante surprise d'y découvrir une marina bien équipée - elle n'était pas signalée dans les guides. La vie s'écoule paisiblement dans cette bourgade bercée par rythme lancinant de la saudade locale. Les réservoirs du bateau sont lavés et les quelques tâches d'entretien de Panta Rhei rondement menées. Nous profiterons ce soir de la vie nocturne cap verdienne avant de refaire demain matin un avitaillement de fruits et legumes... Nous appareillerons dans l'après-midi pour entamer les 2100 qui nous séparent maintenant de la Martinique.

Notre position actuelle: N 16 53.167'; W 24 59.444'.

Prochaine mise a jours du blog dans trois ou quatre jours, en plein Atlantique. Bon vent a tous!





30 novembre - Depuis Bruxelles...

J'ai du mal à croire que nous voila rentrés depuis plus de deux semaines: nous avons retrouvé avec bonheur la famille, les copines et les copains, l'école, les parcs, le musée des dinosaures, les couleurs de l'automne, les bains du soir, la mer du Nord, les feux de bois et les speculoos. A part le froid glacial qu'il fait ici, et qui contraste violemment avec ce que nous avons connu pendant six mois, l'acclimatation s'est faite très en douceur. Encore une fois, les enfants sont désarmants de souplesse et de facilité d'adaptation. Il a juste fallu, un peu laborieusement, réapprendre à porter des chaussures fermées et à se moucher le nez...

A quelques milliers de kilomètres d'ici, l'aventure continue sur Panta Rhei. A l'heure qu'il est, après un faux-départ depuis Gran Canaria (voir "post" suivant"), Marc, Frank, François et Ian sont quelque part dans l'Atlantique, cap sur Sainte Lucie.

Je viens de recevoir le premier email de ce qui devrait être une série (Marc l'a promis, pour le reste on compte sur le satellite), contenant des mises à jour de sa progression via des points Google Map et des comptes-rendus du quotidien à bord.

Ici, je cède donc tout naturellement la plume (le récit de la vie bruxelloise, toute pleine de charme soit-elle, manque trop d'exotisme pour trouver sa place sur le blog) en relayant les infos envoyées par Marc, dont on espère des nouvelles régulièrement...





vendredi 11 novembre 2011

Gran Canaria - end of Chapter One !

Il s'avère bien vite que la marina de Puerto de Mogan n'est pas à la hauteur des louanges lues dans les guides nautiques: les abords des pontons sont agréables, faits de petites maisons blanches à un étage aux châssis colorés, et pleins de fleurs. Mais les aspects pratiques de la vie à bord, accrochés au quai, laissent à désirer: l'accès au bateau se fait par une échelle très sommairement accrochée et qui, vu l'amplitude des marées, se trouve régulièrement à deux ou trois mètres de la jupe arrière - chaque montée ou descente du bateau requiert donc des étirements de chat, et l'angoisse de laisser tomber quelque chose (ou un enfant!) dans l'eau du port... Par ailleurs, les douches sont assez infectes, le wifi (payant) fonctionne par intermittence, le container à poubelles est au bout du monde, et il n'y a pas de laverie à moins de dix kilomètres... Alors on compose: les enfants sont hissés à bord dans le harnais qui sert à monter au mât, on se douche un jour sur deux, on va chercher du wifi dans les restaurants qui longent le quai, et on prend un taxi, sac de linge sur le dos, jusqu'à la laverie la plus proche.

Pour le reste, nous retrouvons avec plaisir Mirko, Théa et Aurélien, de passage à Gran Canaria pour quelques jours: les enfants vont "jouer chez eux", nous passons ensemble une après-midi au bord de la piscine d'un restaurant de la marina, ils viennent dîner à bord, bref nous n'en perdons pas une miette.

Lundi 31, trois jours après notre arrivée, Ariane et Max atterrissent à Las Palmas. Marc va les chercher à l'aéroport pendant que je les attends, bondissante d'excitation... Vers 22h ils sont là, et Max s'endort très vite et très paisiblement dans sa cabine, après avoir surmonté comme un champion l'angoisse de devoir quitter les bras de Maman, rompu de fatigue, pour descendre cette effrayante échelle qui baigne dans l'eau noire. C'est délicieux, délicieux, délicieux d'avoir Ariane à bord, et très difficile d'interrompre l'euphorie des retrouvailles pour aller dormir...

Le lendemain, après un bout de journée à paresser avec les trois garçons au bord de la piscine, nous accueillons Olivier, Félix et Cassandre: la bande est au complet, il y a davantage d'enfants que d'adultes, on sort jouets, crayons et déguisements, c'est la fête!

Nous passons ensemble (à neuf sur Panta Rhei, un record!) trois jours à bord. Un séjour très court, mais bien rempli: une petite sortie en mer (pas de vent, pas de mer, tant mieux pour l'acclimatation), une expédition en sous-marin (autour d'une épave située à l'entrée du port, impressionnante), beaucoup de jeux, de grandes tablées au restaurant, et de très bons moments dans le cockpit, à quatre, à discuter dans la douceur du soir une fois les enfants couchés...

Merci à tous les cinq d'être venus jusqu'ici, d'avoir fait un voyage long et fatigant pour si peu de temps sur place, et de vous être si bien accommodés de la vie sur le bateau...sans le plaisir de la mer! Pourvu que vous reveniez tous nous rendre encore visite, de l'autre côté de l'Atlantique, pour goûter au bonheur de la navigation d'île en île, des eaux turquoises, des baies sauvages et des plages dorées (Maurice, tu viendras ?)...

Une fois les copains partis, Marc se remet à orchestrer intensivement le bal des ouvriers: inox, générateur, winches, gouvernail, voiles, mât et bôme, quille - tout est révisé, contrôlé, réparé, remis à neuf en vue de la traversée vers les Caraïbes. Cela se précise en effet: ce samedi 12 novembre, les enfants et moi nous envolerons pour Bruxelles (mais au fond...nous n'avons ni vestes ni chaussettes!!) tandis que notre camarade Ian reviendra à bord, suivi de près par François et Frank, et l'équipage de la transat sera au complet. Nous avons salué cet après-midi nos voisins de quai - un superbe voilier à l'ancienne astiqué depuis deux semaines par un staff assidu - qui partaient, sourire aux lèvres, pour leur grande traversée: "See you in Saint Lucia!"

Ici s'achève donc le premier chapitre de notre aventure, qui nous a déjà fait voir tant de belles choses, accumuler tant de souvenirs de lieux et de gens, et nous émerveiller souvent...

Good luck darling Capt'n, fair winds and following seas...and indeed, see you in the Caribbean!

Gran Canaria - autour de Puerto de Mogan