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jeudi 27 décembre 2012

Cuba, part I: 14 - 25 decembre

90 milles nautiques pour changer de pays et passer dans un autre monde... Outre l'inconfort de la houle croisée (vent contre courant), nous nous souviendrons longtemps de cette traversée: juste avant la tombée de la nuit, quand la ligne de pêche se met à siffler pour signaler la prise d'un gros barracuda, nous réalisons que le ralentissement du beau, que nous avions mis sur le compte du puissant Gulf Stream, est dû à un casier de pêche que nous traînons depuis une heure environ. Au moment de couper la corde, il apparaît clairement qu'elle est prise dans l'hélice du moteur. Heureusement, nous avançons (fort bien, d'ailleurs) à la voile uniquement, et elle n'a donc pas pu s'entortiller. Néanmoins, il faut la dégager de là car, précisément, elle nous empêche de démarrer le moteur, ce qui pourrait s'avérer dangereux à l'approche des côtes cubaines. Nous sommes donc contraints de mettre le bateau à la cape, c'est-à-dire le faire dériver à votes minimale, pour permettre à Marc, retenu au bateau par un noeud de chaise au bout d'une amarre, de plonger (en pleine mer, en pleine houle, en plein courant) pour l'enlever. Me voilà dès lors à la barre, les yeux fixés sur les instruments pour bloquer la position de Panta Rhei par rapport au vent afin d'éviter qu'il ne prenne de la vitesse, à contenir une véritable crise de panique tout en me répétant en boucle (mais en silence, pour ne pas contaminer les enfants avec mon angoisse) le message de détresse à diffuser sur le canal d'urgence au cas où l'opération ne se déroulerait pas comme prévu et que Marc se détachait, ou se trouvait tracté au bout de cette corde à une vitesse devenue brusquement trop importante.  Oh my God. Dix interminables minutes plus tard, il est ressorti de l'eau ("elle est délicieuse"), la corde et les bouées qui l'accompagnaient sont larguées, le cauchemar s'achève. Il s'ensuit une nuit assez chahutée par la houle, mais l'inconfort est compensé par une pluie d'étoiles filantes et une allure si bonne que nous devons diminuer la voilure pour éviter d'arriver à Cuba avant le lever du soleil.

Vers 7 heures du matin, nous sommes en vue de La Havane. Nous approchons doucement (l'entrée dans la marina Hemingway est périlleuse, les vagues cassant de part et d'autre du chenal: il s'agit, malgré la fatigue de la nuit quasi-blanche, de ne pas se tromper...) et nous appelons, veillant à respecter scrupuleusement la procédure, les autorités par radio. L'arrêt au quai d'accueil durera trois heures: visite du médecin officiel, des autorités sanitaires (qui passent en revue tous les aliments sur le bateau, à la pomme près), des douanes, de l'immigration - au total, une douzaine de personnes (et un bébé cocker), toutes très aimables et encore plus souriantes après que nous ayons glissé dans leurs mains les quelques dollars demandés "sur le côté" de façon à peine déguisée... Trois heures, donc, et une pile de papiers plus tard, nous pouvons enfin entrer dans la marina et nous installer à la place désignée au quai que nous ne quitterons pas pendant deux semaines.

La Floride, toute proche portant, est très vite un lointain souvenir: chaque jour, nous découvrons un peu plus et comprenons un peu mieux comment fonctionne cet étonnant pays qui sort à tous petits pas de la bulle communiste dans laquelle il vit enfermé depuis le Trionfo de la Revolucion il y a un demi-siècle. Tout ici nous surprend. C'est difficile à croire, mais les Cubains (sur)vivent avec des livrets de rationnements qui leur donnent droit, gratuitement, à une quantité (minimale) de vivres de base -riz, sucre, pain- par famille; les études de médecine ont une excellente réputation, mais les médecins, comme tous les autres universitaires d'ailleurs, peuvent espérer un salaire mensuel moyen équivalent à 30 dollars - la plupart d'entre eux finissent donc derrière le volant d'un taxi, car c'est largement plus lucratif; les entreprises privées (10 employés maximum) commencent seulement à être autorisées, tout comme l'achat et la vente de biens immobiliers par des particuliers; la presse n'est pas libre; l'économie monétaire fonctionne à deux vitesses, les CUC (prononcez "couques") pour les touristes -environ 0.85 pour 1 dollar US- et des pesos nationales pour les Cubains -environ 24 pesos pour 1 CUC-. Par ailleurs, cela fait trois ans seulement que les Cubains ont le droit de quitter (temporairement) le pays, à condition toutefois de posséder une tarjeta blanca -qui suppose un visa délivré par le pays de destination) émise par l'Etat.

Rien ne semble fonctionner vraiment correctement, mais nous sommes frappés par l'abondance de sourires et le ton plutôt enjoué des personnes à qui nous avons pu parler (évidemment, il y a aussi ceux qui sont partis, et ceux qui projettent de le faire en traversant clandestinement, à bord de n'importe quelle embarcation de fortune, les 90 milles jusque Key West): elles sont fiers de pouvoir bénéficier d'un système de soins de santé gratuit et de l'éducation pour tous: deux chevaux de bataille de Fidel... Et puis, le marché noir, la débrouille ("por la mano izquierda"), et surtout l'argent envoyé par les membres de la famille émigrés à l'étranger, permettent d'améliorer -si peu- le quotidien, dont certains affirment qu'il changera encore beaucoup (mais comment?) dans les années qui viennent.

A la marina Hemingway, les journées s'écoulent tranquillement et nous menons sous un soleil exquis une paisible vie de village avec Pingouin et Manao. Les enfants sautillent gaiement dans l'herbe, perfectionnent leur style en trottinette, construisent des cabanes dans les palmiers et passent librement d'un bateau à l'autre. Nous faisons également la connaissance de notre voisin de quai, Dale, surfer californien dans l'âme et skipper de métier depuis 35 ans, dont nous nous régalons des histoires sans fin et des conseils avisés sur le "monde du nautisme" dont Marc rêve toujours de se faire, un jour, un métier...

Principal accès au pays par la mer, la marina a été construite dans les années 60 selon des plans très ambitieux - mais par manque de moyens, elle se défraîchit à vue d'oeil: les quais ne sont pas entretenus et la pierre s'effrite dangereusement, les terrains de tennis sont à l'abandon et sont devenus des terrains vagues, le centre de plongée semble désespérément fermé, les douches -quand elles ne sont pas carrément démontées- offrent un filet d'eau permettant à peine de se laver. Néanmoins, une demi-douzaine de gardiens surveillent la marina 24 heures du 24: ils sont toujours principalement assis dans des guérites à demi-effondrées, mais saluent invariablement avec beaucoup de gentillesse et un sourire radieux - tout comme des deux délicieuses senoras en charge de la laverie ("de nada, mi amor!").

La Havane, aussi, est fascinante. Pour s'y rendre, nous nous faisons renseigner par Jean-François, un Français installé dans la marina à bord de son bateau depuis un an et demi, la meilleur combine: plutôt que de payer les 40 CUC demandés par les taxis officiels, il faut se poster sur le bord de la grand route et héler la première voiture qui passe (ces véhicules de cartes postales qui inondent les rues de la capitale et dont il ne reste souvent que la carcasse mais qui continuent miraculeusement à rouler). Prix des 25 minutes de trajet: 8 CUC pour toute la famille. Seulement, il faut ne pas avoir peur de passer à travers le plancher ni de mourir étouffé par les gaz d'échappement qui, curieusement, sont soufflés à l'intérieur de l'habitacle - ou par le surnombre de passagers contenus dans un seul véhicule.

La ville, vieille de 500 ans, est -ou était- magnifique. Après peu de temps à flâner dans le quartier de la Habana Vieja, on ne s'étonne plus de remarquer presque sur chaque maison des colonnes corinthiennes, vitraux, ferronnerie ou autres détails somptueux. Mais la splendeur est maisons est inversement proportionnelle à leur état de délabrement et la vision du linge pendu aux fenêtres des anciens palais ou des enfants jouant dans les cours sombres paraît presque irréelle. L'atmosphère est douce, colorée, joyeuse et on a l'impression d'entendre de la musique surgir de partout (un peu trop souvent, malheureusement, des reprises du "Buena Vista Social Club" devenu un piège à touristes). En dehors de la vieille ville, le quartier Vedado est aussi un régal à explorer sans but précis: au départ de la surprenante Plaza de la Revolucion (un fantasme, sans doute, d'échantillon de ville moderne à la soviétique) et jusqu'au Malecon, la longue promenade de bord de mer, en passant par l'université, nous découvrons un autre visage de la ville, moins touristique mais au mois aussi vivant - et de théâtres en salles de concert, nous avons la bonne surprise d'apprendre que le festival Jazz Plaza se tient précisément au moment où nous y sommes.

Le 25 décembre, après que les enfants aient découvert au réveil avec une insoutenable excitation les cadeaux apportés par ce bon vieux Père Noël pendant la nuit (pour la deuxième année consécutive, il n'aura pas oublié nos petits souliers sous les tropiques), nous organisons un gargantuesque pique-nique collectif au cours duquel nous partageons, à 14, les plats somptueux préparés par les uns et les autres. Un Noël à l'ombre des palmiers: c'est loin des Noëls blancs de notre enfance, mais l'humeur n'est pas nostalgique...


mercredi 19 décembre 2012

Floride, part II: 29 novembre - 13 décembre

Le vent souffle plus fort que prévu pendant les 150 milles de la traversée, qui aura donc été rapide: à 8 heures du matin, 20 heures après notre départ de Cape Canaveral, nous jetons l'ancre devant la marina Las Olas de Fort Lauderdale - que les Américains, sans peur du ridicule, surnomment "Venice of America". Ici, la Floride comme on se l'imagine: une plage magnifique bordée de grands palmiers, mais un front de mer défiguré par les immeubles à appartements, les bars, les enseignes et...les touristes. La partie de la ville composée de canaux artificiels bordés de villas plus dégoulinantes les unes que les autres, et de gros bateaux à moteur, signes extérieurs d'aisance matérielle, achèvent de donner à l'endroit un aspect toc qui nous laisse assez froids.

Mais cette halte se voulait technique, et à ce titre nous avons trouvé tout ce que nous cherchions: avitaillement gigantesque (il paraît qu'à Cuba on ne trouve presque rien...), bouteilles de gaz, pièces de d'entretien et/ou de rechange pour le moteur et le générateur, de l'eau (beaucoup d'eau). Le bateau est lavé, entretenu, révisé, pratiquement démonté jusqu'à la dernière cale pour faciliter le nettoyage et optimaliser les rangements. Ca commence à sentir vraiment la fin des Etats-Unis - et de l'abondance: nous nous préparons, dans tous les sens du terme, à vivre en quasi-autonomie pendant deux mois!

Mercredi 5, nous quittons Fort Lauderdale de bonne heure et naviguons toute la journée. En fin d'après-midi, la ligne de pêche - qui était restée en chômage technique depuis près de six mois - se met à frétiller, et Marc ramène un magnifique thazard blanc que nous dégustons à peine une heure plus tard dans la lumière du couchant au mouillage de Cape Florida (pratiquement au pied des "shacks" construits pendant la Prohibition, repaires pour amateurs de jeux de hasard et d'alcool, autorisés seulement à plus d'un mille des côtes...).

Le lendemain, nous entamons le dernier morceau de notre descente de la Floride: le temps est calme, l'allure confortable, aussi j'encourage Marc (vrai de vrai) à continuer pendant la nuit plutôt que de tenter de trouver encore un mouillage qui sera peut-être insuffisamment abrité de la brise qui se lève. Nous arrivons donc vendredi matin, 7 décembre, à Key West, notre dernière étape en Floride, et aux Etats-Unis.

Etrange semaine à Key West: drôle d'atmosphère (la proximité de Cuba est affichée partout mais on est encore en territoire très américain), drôle de climat (chaud et lourd sans être franchement beau), drôle de faune (mélange de néo-babas arrivés là il y a 30 ans et jamais repartis, de retraités, d'émigrés cubains, de touristes en tous genres), drôle d'atmosphère (les bars sont alignés dans les rues principales et fonctionnent 20 heures sur 24, aussi on voit parfois danser des filles sur les bars devant une salle quasi vide, à 10 heures du matin), drôle d'humeur: Vadim -suivi de près par Luca- fait une impressionnante poussée de fièvre et passe près de cinq jours tout à fait à côté de son assiette.

Bref - peut-être le signe est-il temps que l'on s'en aille... Jeudi 13 décembre: 6 mois jour pour jour après que Panta Rhei soit entrée aux Etats-Unis avec Marc, nous avons finalisé les préparatifs de départ (incluant une visite mémorable au bureau des U.S. Customs and Immigration à l'aéroport de Key West), la météo est correcte (quoique Pingouin et Manao décident, le matin-même, d'attendre encore 48 heures), nous partons!!

Enchantés de la merveilleuse découverte que fut cette saison le long de la côte est des Etats-Unis, la mémoire grouillant des souvenirs de lieux, de rencontres, d'aventures amassés en chemin, du Maine jusqu'en Floride, nous sommes aussi très impatients d'ouvrir un nouveau chapitre de notre voyage et de découvrir enfin Cuba...

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vendredi 30 novembre 2012

Floride, part I: 21 - 28 novembre

Mercredi 21, vers 11 heures, après des adieux temporaires à Pingouin et la promesse de nous retrouver quelque part en Floride, nous nous mettons donc en route, pour trois navigations consécutives d'environ 160 milles chacune. A la sortie en mer, nous sommes surpris de ne trouver que très peu de vent. Nous avançons assez lentement et comme la mer est formée, Panta Rhei ballotte sur la houle. L'inconfort sera de courte durée, car le vent (du nord) augmente assez vite jusqu'à 10-15 noeuds et la houle, devenue quasi imperceptible grâce à la vitesse, nous pousse vers le sud. L'allure est stable, on avance à 7-8 noeuds de moyenne et le soleil se lève jeudi matin dans un ciel d'un bleu parfait. Magnifique...

Jeudi 22 à 13 heures, soit 26 heures après notre départ de Charleston, nous jetons l'ancre devant Fernandina Beach, première halte en Floride. Le paysage hérissé d'usines est assez déconcertant et la ville, hormis sa particularité de ville américaine ayant  changé le plus souvent de nationalité depuis le milieu du XVIème siècle (qui lui vaut le surnom de "Eight Flags Isle"), ne présente que peu d'intérêt. Mais nous avons le plaisir de retrouver ici le bateau Manao, rencontré par l'entremise de Pingouin juste avant notre départ de Charleston, et de partager avec une partie de l'équipage belgo-américain un pumpkin pie dans la plus pure tradition de Thanksgiving (qui suppose aussi, comme nous l'avons découvert avec amusement, que ce jour-là plus que n'importe quel autre, tout le monde se sourit et se salue dans la rue)...

Pendant deux jours, nous séjournons devant la belle Cumberland Island, à 5 milles de Fernandina (techniquement, en Géorgie). Réserve naturelle, l'île est partagée entre marais salins, forêts de chênes couverts de mousse, sentiers de sable et grande plage battue par le vent de l'Atlantique. Nous revenons bredouille de notre expédition dents de requins fossilisées, mais absolument enchantés par la beauté de cette nature sauvage, par la découverte sur la plage d'un véritable cimetière de limules (très étrange animal inchangé depuis la Préhistoire, croisement improbable entre scarabée géant et espadon), par un pique-nique savouré au soleil dans le jardin de Dungeness, l'ancienne résidence de la famille Carnegie détruite dans les flammes à la fin des années 50, et par la rencontre en chemin de dizaines de chevaux vivant en liberté sur l'île.

Samedi 24, 7h30, nous reprenons notre descente vers le sud, direction Cape Canaveral. Le vent tombe  vers midi et l'après-midi se passe au moteur, jusqu'à ce que le vent augmente avec la tombée de la nuit. Les voiles en ciseaux, nous filons enfin à bonne vitesse et atteignons notre destination vers 13 heures le lendemain, après avoir passé - avec un groupe de dauphins ! - un pont (ouvrant) puis.. une écluse, la première du voyage! Ici encore, nous sommes quelque peu déconcertés par l'atmosphère désolée de cette espèce de lagon industriel et notre promenade à terre, entre hangars et parkings déserts, n'est pas très concluante - sauf pour l'apparition, au milieu de nulle part, d'un bar d'où provient de la (bonne!) musique live.

Nous sommes seuls au mouillage et nous interrogeons sur la façon de "meubler" les trois jours que nous avons prévu de passer ici jusqu'à la prochaine fenêtre météo favorable, dès que lors que nous avons renoncé à la visite du Kennedy Space Center, hors de prix, et que le lancement accessible au public d'un satellite prévu le 27 a été reporté sine die... C'était sans savoir que, dès le lendemain matin, nous aurions le plaisir de voir jeter l'ancre juste à côté de nous Michaël, Chantal et leur fils Arthur (9 ans) sur leur bateau Cajou. Partis comme nous il y a un an et demi, ils sont belges mais battent le pavillon français car ils vivent à Uzès (of all places, à dix minutes de Collias dans le Gard de mon enfance) où ils projettent de retourner l'été prochain. L'entente entre les trois garçons est immédiate et très forte. Nous décidons de louer ensemble une voiture et d'aller visiter Saint Augustine, à quelques 200 kilomètres au nord. Fondée par les Espagnols en 1565, Saint Augustine est la plus ancienne ville des Etats-Unis. Comme beaucoup d'autres villes, elle a subi les assauts des Français et des Anglais, mais jusqu'au milieu du XIXème siècle elle est restée principalement espagnole. Et aujourd'hui encore, en plissant (fort) les yeux, on pourrait ici ou là se croire en Andalousie... La journée est belle et bonne, et nous sommes tous heureux de cette rencontre. Nous poursuivons le soir avec un dîner sur Panta Rhei, également en compagnie d'Ortemi fraîchement arrivé, et, comble du bonheur et de l'excitation pour Luca, Arthur reste dormir chez nous.

Le lendemain, mercredi 28, nous sommes contraints de quitter tout le monde pour profiter d'un bon vent  du nord qui nous permettra de descendre (facilement?) les 150 milles qui nous séparent de Fort Lauderdale, tandis que Cajou et Ortemi filent sur les Bahamas. Nous reverrons peut-être Cajou quelque part au sud de Cuba dans deux ou trois mois, mais nous ne croiserons vraisemblablement plus la route de Mirko, Tea et Aurélien, car leur programme de navigation est trop différent du nôtre. C'est avec émotion que nous nous regardons partir pour la dernière fois, après plus d'un an de compagnonnage de Gibraltar à la Floride en passant par les Antilles, les Bermudes, New York, le Cape Cod et Washington... Bon vent les amis, vous restez en pensées près de nous mais continuez à nous donner des nouvelles. Soyez heureux, et à bientôt, qui sait, peut-être à Cully?

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South Carolina: Charleston 5 - 20 novembre

Nous jetons l'ancre pour la durée de notre séjour à Charleston dans la Ashley River, à l'extérieur du Megadock de la City Marina. Avec un nom pareil, ce n'est qu'une demi-surprise: pas question, même contre rétribution, de se faire octroyer l'accès au moindre service lorsque l'on n'est pas résident de la marina - où la nuit coûte le prix d'un hôtel quatre étoiles. Décidée à ne pas me laisser faire, je parviens malgré tout, moyennant oeil de biche et sourire poli, à obtenir le code d'accès au wifi et une ruse pour utiliser les douches. Et toc.

Grâce à quoi, le lendemain de notre arrivée, nous avons pu suivre en temps réel depuis le carré de Panta Rhei le dénouement d'une campagne électorale qui aura tenu les Américains en haleine pendant de très longs mois. Le suspense est intense au début mais il apparaît assez vite qu'Obama sera réélu avec une avance confortable sur le perplexifiant Romney. Ouf.

Avant qu'Adrian ne nous quitte, nous passons ensemble quelques journées fort agréables à flâner dans le quartier historique de Charleston, en savourant les signes de notre arrivée dans la moitié sud de la côte est américaine: chaleur, palmiers, lauriers roses et accent caractéristique des indigènes...

Le 11 novembre, ce qui devait arriver arrive, Adrian reprend un avion pour Washington. Nous avons vécu, pendant ce séjour avec lui, une telle variété de moments, de paysages et d'atmosphères que l'on a du mal à croire que ce furent dix jours seulement... Heureusement, nous pouvons nous consoler de son départ avec nos cinq camarades de Pingouin, arrivés entretemps après une traversée du Cape Fear aussi remuante que la nôtre quelques jours auparavant. Nous fêtons joyeusement l'anniversaire de Caroline, Ortemi arrive et j'emmène les six enfants au Musée des Enfants - jusque là tout va bien sous un soleil qui nous fait anticiper les joies des tropiques.

Mais peu de temps après, le climat bascule brusquement et le temps redevient glacial et pluvieux. Pendant trois à quatre jours d'affilée, il n'est pratiquement pas question de mettre le nez dehors - et je mesure enfin l'utilité du chauffage à bord (-"Mais enfin Marc, rassure-moi, on est parti pour suivre le soleil, on n'aura pas besoin de chauffage!" - "On ne sait jamais". Comme il avait raison...)! Par ailleurs, les marées et le courant sont très forts. Aussi, plusieurs fois par jour, les bateaux de plus en plus nombreux au mouillage tournent autour de leur ancre de façon chaotique, ce qui nous vaut de devoir "déménager" à maintes reprises.

C'est donc après un temps qui nous a semblé beaucoup trop long, et après avoir remouillé l'ancre une bonne dizaine de fois, que nous reprenons enfin la mer à la faveur d'une bonne fenêtre météo pour descendre en Floride...


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mercredi 14 novembre 2012

Rounding Cape Hatteras: Virginia, North Carolina, South Carolina: 1-5 novembre

Jeudi 1er novembre, nous quittons Washington pour retrouver Panta Rhei à Deltaville, emmenant Adrian avec nous: avide d'aventure, il a décidé de nous accompagner autour du cap Hatteras dont la réputation est telle que la très grande majorité des marins, quand leur embarcation le leur permet, décide de le passer par l'intérieur, soit par les Intracoastal Waterways (qui, d'un bout à l'autre, relient le New Jersey à la Floride)...

La navigation sur les canaux est belle paraît-il, quoique rallongée par les courbes et détours des voies d'eau et ralentie par l'impossibilité d'y avancer à la voile, et nous y aurions volontiers goûté un peu avec nos amis de Pingouin et Ortemi. Hélas, cette option ne s'offre pas à nous: dessus et dessous, les mensurations de Panta Rhei sont telles qu'elle talonnerait souvent le fond et ne passerait pas les nombreux pont fixes qui jalonnent le parcours.

Mentalement prêts à reprendre la "grande mer" et encouragés par une fenêtre météo plutôt favorable pour le weekend, nous remettons donc le bateau à l'eau en milieu d'après-midi et levons l'ancre dès le lendemain matin, 2 novembre, pour Norfolk, porte de sortie du Chesapeake vers l'Atlantique. Malgré le froid, nous partons tout sourire pour ce qui doit être une petite journée de voile jusqu'à la pointe sud de la baie - en d'autres termes, une promenade dominicale à côté de ce qui nous attend sans doute au large d'Hatteras.

Seulement, le vent qui souffle à l'extérieur crée un sale clapot qui rend la navigation assez inconfortable. Marc, Luca, Vadim et moi, malgré le peu de milles parcourus ce dernier mois, avons acquis une certaine habitude de ce genre de conditions (qui ne les rendent pas moins désagréables, mais peut-être un peu plus supportables - "le prix à payer pour les Tropiques", affirme Marc dans une tentative hasardeuse de nous apaiser tous). Adrian, lui, se demande certainement ce qui lui a pris d'embarquer avec nous mais, beau joueur, il revient au bateau après une douche salvatrice dans la marina de Norfolk plutôt que de s'enfuir par la porte de derrière...

Samedi 3 novembre. Début de notre traversée en famille la plus longue depuis Gibraltar-Tenerife il y a tout juste un an: Norfolk-Charleston, 400 milles, soit trois jours et deux (pas trois, si tout va bien) nuits en mer. La première journée est belle, froide mais ensoleillée, l'allure est parfaite et avec un bon vent arrière, la houle est presque imperceptible. Jusqu'ici, tout va bien... La présence d'Adrian est un incontestable plus: attentif, aidant, flexible, il est pour les enfants un professeur strict mais efficace à l'heure de la classe et un partenaire de jeux inépuisable, et pour nous tous un compagnon de route idéal. Quand la nuit tombe, les conditions sont toujours belles et nous passons au large du cap Hatteras sous un ciel plein d'étoiles. Ouf - ça, c'est fait...

Le lendemain matin, il fait chaud! Peu après que nous nous soyons régalés de la visite d'un grand groupe de dauphins, nous découvrons que nous avons à bord un cinquième passager, vraisemblablement embarqué à Norfolk et planqué sur le pont depuis 24 heures: un petit oiseau, dont nos faibles connaissances en ornithologie nous permettent de penser qu'il vit normalement sur les plages et non à quarante milles des côtes... Il est baptisé Alec ("parce que ça rime avec long bec") et fait la joie des enfants qui suivent de très près ses allers et venues dans le cockpit. Après quelques heures de ces réjouissances animales, les conditions se dégradent: s'il fait chaud, c'est parce que le vent a tourné au sud, soit face à nous, et nous commençons une longue lutte au près serré contre les vagues, avançant péniblement à 3-4 noeuds. Les prévisions météo consultées avant le départ nous avaient préparés à cette bascule de vent temporaire, aussi nous prenons notre mal en patience et attendons un nouveau renversement qui tarde à venir. Quand, enfin, le vent repasse au nord-nord est, nous sommes au large du cap Fear (c'était donc de celui-là qu'il fallait se méfier, on aurait du s'en douter) et le courant combiné à la mer dans le sens contraire du vent lève une houle dans laquelle l'étrave de Panta Rhei vient frapper violemment. Le pont est régulièrement aspergé d'eau et tout le monde est muet, rassemblant ses forces pour ne pas quitter l'horizon des yeux - même Alec n'a pas l'air dans son assiette. L'après-midi se passe comme ça, interminable, et à la tombée de cette deuxième nuit en mer, des orages viennent ajouter encore au folklore: après quelques zigzags dans l'espoir de ralentir pour laisser passer le mauvais temps, nous n'avons plus le choix que de nous diriger droit vers un ciel zébré d'éclairs. Rapidement, ils sont tout autour de nous. Comme rien n'angoisse plus Marc en mer que les orages, il somme Adrian et moi (les enfants dorment, les bienheureux) de rentrer à l'intérieur du bateau et de ne pas en sortir, tandis qu'il se permet une demi-heure de sommeil assis dans le carré, en tenue complète de quart, agrippé à la lampe de poche et avec sous la main le kit "plan B" au cas où Panta Rhei serait frappée par la foudre: allumettes pour la lampe à huile, ordinateur portable pour GPS de secours, extincteur. Rassurant...

Lundi 5. Deuxième lever de soleil, troisième jour en mer: nous avons échappé à la foudre, la mer a -enfin!- basculé dans le sens du vent pour nous pousser au lieu de nous faire face, et le ciel se dégage. La navigation a repris une allure tout fait confortable, Luca et Vadim jouent gaiement à l'intérieur et nous avançons vite, bercés par la voix et la musique de Jupiter dans un cockpit à nouveau accueillant. La journée semble un peu longue car la fatigue de ces deux courtes nuits commence à peser, mais l'humeur à bord est gaie et c'est avec un enthousiasme à la mesure de l'aventure vécue que nous jetons l'ancre, vers 20h30, dans la Ashley River à l'ouest de la péninsule de Charleston, en Caroline du Sud - peu après qu'Alec, ragaillardi par la proximité de la côte, se soit enfin envolé...

Pendant ces trois jours de mer, dont la moitié fut vraiment difficile, pas une fois les enfants ne se sont plaints. Ni de nausée, ni d'ennui, ni de froid, ni de peur, ni de chamailleries. Voilà qu'une fois encore, face à l'adversité, ces deux petits bonshommes nous ont beaucoup impressionnés - et rendus fiers, osons le mot.

Quant à Adrian, qui a vécu là une expérience certainement mémorable (avec toutes les nuances que cela sous-entend...), nous lui redisons encore une fois notre affection, notre gratitude, notre admiration et notre vif souhait de le revoir à bord sous d'autres latitudes!


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samedi 3 novembre 2012

Sud du Chesapeake... et Hurricane Sandy! 21-31 octobre

Après cette bonne halte terrestre à Washington, nous nous remettons allègrement en route, repassons - en sifflotant cette fois - le Woodrow Wilson Bridge et redescendons le pot-pot-Potomac: du moteur encore et toujours, mais dans ce sens ci nous pouvons même y ajouter les voiles, ce qui nous vaudra de descendre la rivière en deux jours alors qu'il nous en avait fallu plus de trois pour la monter.

Nous arrivons dans le bas de la baie de Chesapeake, où il fait encore grand bleu, et mettons le cap sur une petite marina paumée mais de bonne réputation pour de menus travaux à Deltaville, en Virginie - environ 250 kilomètres au sud est de DC.

Seulement, à peine arrivés là-bas, il apparaît que notre halte sera nettement prolongée étant donné qu'une monstrueuse tempête tropicale pointe son vilain nez sur les tables météo que Marc consulte avidement. Nous sommes le mercredi 24 octobre et le temps est beau, voire même chaud. Aussi, nous avons du mal à y croire mais selon des projections de plus en plus convergentes, l'ouragan Sandy, attiré par une zone de basse pression descendue du nord, touchera la côte est des Etats-Unis après avoir pris des forces dans la mer des Caraïbes, créant un phénomène météorologique d'une ampleur rare et dangereuse.

"Frankenstorm", "Storm of the century", "The Big One", "Nightmare scénario": l'arrivée imminente de Sandy suscite évidemment beaucoup d'inquiétude dans toute la région et Marc décide assez vite que la prudence exige de faire sortir le bateau de l'eau pour le mettre à l'abri d'une montée des eaux que l'on annonce catastrophique et qui aurait notamment pour effet d'immerger les pontons de la marina, libérant tous les bateaux qui y sont accrochés... Sous un soleil toujours franc, les préparatifs vont bon train: on ficèle la grand voile autour de la bôme, on enlève les autres voiles (génois, trinquette), on dégage l'extérieur du bateau de tout ce qui pourrait être emporté par le vent et on réserve le "travel lift" pour mettre Panta Rhei au sec.

Pendant ce temps, la tension continue à monter à mesure que le ciel s'assombrit. Il n'est plus question, dans les médias et les conversations, que de cette monstrueuse Sandy qui a déjà fait près de 40 morts dans les Caraïbes. La marina de Deltaville décide finalement de sortir d'office tous les bateaux de l'eau, il ne reste plus qu'à attendre en croisant les doigts. Assez vite, nous prenons contact avec Penny, que nous avions quittée à Washington à peine une semaine plus tôt, pour lui demander une fois de plus son hospitalité pendant quelques jours. Sans surprise, Marc ne se résout pas à laisser son bateau pendant le passage de l'ouragan (on ne sait jamais que le sol se gorge d'eau et qu'il faille resserrer continuellement les chaînes enroulées autour des trépieds qui soutiennent Panta Rhei...) et nous laisse partir avec Adrian, le fils de Penny, venu tout spécialement ce samedi 27 octobre de Washington pour nous chercher (MERCI Adrian!).

Nous aurons donc vécu séparément, et avec une intensité différente, le passage de Sandy: pour les enfants et moi, malgré l'omniprésence de l'ouragan dans les médias (on en oublie presque les élections présidentielles du 6 novembre...) et dans nos esprits, c'auront été cinq jours à profiter du climat chaleureux et gai de Garfield Street, de la compagnie bienveillante de Penny, Drew et Adrian, de lits moelleux et d'un toit solide. L'anticipation aura suscité une angoisse croissante et l'attente aura été interminable mais finalement, hormis quelques arbres arrachés dans la nuit du 29 au 30, Washington a été miraculeusement épargnée. A la vue des images apocalyptiques de New York (tout le bas de Manhattan sans électricité en-dessous de la 39ème rue, le Queens dévasté, les stations de métro inondées jusqu'au niveau de la rue (!), du New Jersey (le "boardwalk" d'Atlantic City explosé, des milliers de maisons détruites ou inondées) ou de Cape Cod (jusqu'à 85 noeuds, soit près de 160 km/h, de vent), je mesure la chance que nous avons eue.

Quant à Marc, il sera resté "sur le pont", à faire des allers-retours incessants entre le bateau et les locaux de la marina où une télévision restait branchée jour et nuit sur le "weather channel", à regarder une pluie diluvienne tomber pendant deux jours, à surveiller les trépieds, à guetter les arbres du petit bois à la lisière duquel se trouvait Panta Rhei... et à subir les températures polaires qui ont accompagné l'arrivée de Sandy. Mais finalement, à Deltaville aussi, avec des rafales à 55 noeuds maximum, le miracle a opéré et aucun dégât n'a été rapporté.

De la chance, donc, dans ce climat de panique, puisque ce retour imprévu à Washington nous a par ailleurs valu, ce 31 octobre, de fêter joyeusement tous ensemble (avec Marc aussi, venu nous chercher) l'anniversaire de Penny juste après que les enfants aient vécu leur premier vrai Halloween, courant d'une maison à l'autre entre chien et loup, fiers dans leurs costumes de vampires et avec un enthousiasme nettement contagieux, en criant "trick or treat" pour recevoir des montagnes de bonbons.

En ce qui nous concerne, l'émotion Sandy est maintenant passée, et nous resterons éternellement reconnaissants envers Penny, Drew et Adrian de nous avoir accompagnés (le mot est faible) pendant cette mémorable semaine...

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vendredi 26 octobre 2012

Washington DC: 5 - 20 octobre

Washington, en tous cas ce que l'on en voit dans les alentours immédiats du Capital Yacht Club, n'est pas aussi immédiatement séduisante que les autres villes que nous avons visitées ces derniers mois: quartiers administratifs et de bureaux, larges avenues presque trop propres et voisinage bruyant de la Maison Blanche, d'où vont et viennent jour et nuit des hélicoptères volant à basse altitude...

Mais il suffira de quelques jours pour que, petit à petit et malgré le froid de canard qui s'installe brusquement, on se laisse gagner par le charme et les plaisirs variés de cette ville étonnante, entourée de belle campagne, riche d'histoire et résolument internationale.

Dimanche 7, nous sommes accueillis avec chaleur pour une après-midi d'immersion dans la vie locale par Brian et Teresa Byrne et leurs trois charmants garçons, rencontrés par l'entremise de mon frère Laurent: brunch au bloody mary, jeux dans le jardin et match de base-ball à la télé pour les enfants, échange de récits de navigation.

Après cela, notre première semaine se passe essentiellement en compagnie de Pingouin et/ou Ortemi, mouillés aux aussi devant le CYC. Nous prenons toujours le même plaisir à nous retrouver, les enfants s'amusent sans fin (à bord ou à terre, mais toujours en sautillant de joie) et nous entreprenons ensemble diverses explorations de la ville: le Jardin Botanique, le Capitole (dont la visite commence par une projection d'un quart d'heure qui fait tant vibrer la fibre patriotique que l'on a tous envie, à la sortie du film, de se mettre la main sur le coeur et de crier notre fierté d'être Américains! Ah non, c'est vrai), la Bibliothèque du Congrès, et les multiples musées de la Smithsonian Institution (Musée de l'Air et de l'Espace, Musée d'Histoire Naturelle, Musée d'Art Asiatique, magnifique National Zoo, etc) - tous gratuits (!), conformément à la volonté testamentaire du scientifique anglais James Smithson, mort en 1829, qui a légué son immense fortune à la jeune nation américaine dans le but de créer, à Washington, un établissement "pour la promotion et la diffusion du savoir". D'autant plus étonnant que Smithson, semble-t-il, n'a jamais mis un pied aux Etats-Unis...

Dimanche 14, mes parents, a.k.a. Poupik et Mami, arrivent pour une semaine. Pendant tout la durée de leur séjour, nous sommes accueillis avec une gentillesse et une générosité incomparables par Penny, amie américaine de longue date, son compagnon Drew et son fils Adrian. Les soirées se passent autour de la table, à savourer dîners somptueux et conversations joyeuses et animées - tandis que les journées, tout occupés au bonheur d'être ensemble, nous prenons allègrement le temps de flâner dans la maison ou de nous promener dans le quartier, profitant de la lumière si particulière de l'été indien, alors que les arbres commencent sous nos yeux à se teinter de rouge et de doré. Quelques belles visites, quand même, pendant ce court séjour: le Musée Hirschorn et son jardin de sculptures, Dumbarton Oaks à Georgetown (ravissant jardin et magnifique collection d'art pré-colombien), et surtout une après-midi exquise de promenade et de roulés-boulés dans les jardins de Mount Vernon, la résidence de George Washington sur le Potomac.

Merci Papa et Maman d'avoir voyagé jusqu'ici pour passer quelques jours avec nous. Nous avons savouré chaque instant de votre présence, et vous nous manquez déjà...




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mardi 9 octobre 2012

Chesapeake Bay & Potomac: 17 septembre - 4 octobre

Le lendemain de notre arrivée dans la baie de Chesapeake, nous nous réfugions dans un mouillage très abrité à l'entrée de la Sassafras River car les sites météo annoncent, sur un ton d'apocalypse, des orages violents: "This is a severe storm and you are located on its path. The entire east coast in under alert. Beware of deadly lightnings, damaging winds and substantial floodings. If you are in a house you are strongly advised to find shelter in the basement"... Nous devisons sur les travers de la culture americaine - la peur, le réflexe de décharge de responsabilité ("on vous avait prevenus") - et décidons de ne pas quitter le bateau de la journée. Nous nous blotissons a l'intérieur et regardons Shrek en famille tandis que dehors, finalement, à part un ciel d'encre et une pointe à 30 noeuds de vent, rien ne se passe de trop impressionnant!

Les bons mouillages ne manquent pas dans le Chesapeake, mais à regarder les cartes de plus près nous découvrons que la plupart d'entre eux sont trop peu profonds pour Panta Rhei, dont la quille (fixe) requiert au moins 2,2 metres d'eau. La principale difficulté, donc, pour notre séjour ici sera de trouver des endroits auxquels nous avons accès...

Nous nous enfoncons aussi loin qu'il nous est possible dans la rivière Sassafras et nous posons dans un endroit paisible devant Georgetown, où nous passons trois jours tranquilles: balades à travers les champs de maïs, cueillette de fleurs, vols de canards sauvages et vision furtive d'une biche dans les sous-bois.

Un peu plus bas, nous explorons pendant quelques jours la Magothy River (principalement autour de Gibson Island) avant d'arriver à Annapolis, capitale du Maryland. Sinistrement connue pour avoir été jusqu'au début du XIXeme siècle un port négrier dans lequel on débarquait les esclaves vendus ensuite aux plantations du Sud, Annapolis est parfois surnommée "sailing capital of the world" (!) et abrite la prestigieuse Naval Academy qui, fondée en 1845, semble être devenue la principale source d'activité locale.

Le 25 septembre, Marc a 40 ans! Nous passons à quatre une paisible journee ensoleillée à visiter la ville, agréable quoique tres petite, et les festivités s'achèvent par une orgie de sublimes sushis dans un restaurant japonais.

Le 27, à Annapolis toujours, nous retrouvons avec bonheur nos amis de Pingouin et décidons tres vite de continuer la route avec eux, prenant ainsi un peu d'avance sur notre programme. Le 30, nous tournons la pointe du Chesapeake et entrons dans le Potomac. La navigation sur la rivière est un peu fastidieuse mais très calme: bercés par le ronronnement constant du moteur, nous avancons doucement, parfois contre le courant, et nous pouvons nous adonner quotidiennement aux joies de la classe... Seule halte prolongée sur le Potomac, le mouillage de Smith Creek qui nous a beaucoup plu et où nous avons, avec Pingouin, passé un bout de journée délicieux à pique-niquer sur une petite plage déserte. Bien qu'un peu orageux, le temps reste chaud et s'il n'y avait les méduses et l'eau verte, on aurait presque envie de se baigner...

Nous poursuivons à deux bateaux la remontée de la rivière (ambiance Tom Sawyer), et quand nos réserves de nourriture (et d'eau potable!) sont presque épuisées, enfin nous entrevoyons l'arrivée... Dernier obstacle inattendu: à 4 milles a peine avant le Washington Channel, dans lequel nous jetterons l'ancre de Panta Rhei pendant deux semaines, le Wilson Bridge nous barre la route. Le pont fait 75 pieds de haut tandis que le mat de Panta Rhei s'élève a...76 pieds. Deux options s'offrent à nous: contacter les autorités et demander, avec 12 heures de préavis, l'ouverture du pont pendant la nuit, ou attendre la marée basse pour gagner les quelques centimètres qui nous manquent. Intrépide, Marc choisit la deuxième solution et à 16 heures, soit au plus bas de la marée, nous franchissons le pont en retenant notre respiration: à un cheveu près, ça passe...

Nous voici donc ce jeudi 4 octobre, quelques jours plus tôt que prévu, à l'ancre devant le Capital Yacht Club, à 500 mètres à peine à vol d'oiseau de la Maison Blanche...


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jeudi 20 septembre 2012

Traversée vers le Cap May, la Delaware Bay et le C&D Canal: 15 - 17 septembre

Samedi 15 septembre. Nous quittons Block Island à 8 heures, pour entamer une traversée de 200 milles jusqu'au Cap May. La mer est un peu plus grosse que ce à quoi on s'attendait, et le vent souffle bien: Vadim n'est pas tout à fait dans son assiette et les jeux à l'intérieur du bateau ne sont pas une option, à cause du mouvement... la journée est donc un peu longue mais on file à très belle allure, et jusqu'au milieu de la nuit on maintient une moyenne de près de 9 noeuds par heure! Nous passons au large des côtes du Connecticut, de l'Etat de New York (vers minuit, on devine à tribord les lueurs de la mégalopole au loin...) et du New Jersey, et touchons vers midi le Cap May qui marque l'entrée de la Delaware Bay.

Fatigués par la nuit de navigation, mais "chauffés" par la distance que nous avons déjà parcourue, nous décidons après une très brève halte à l'ancre de poursuivre notre chemin et nous remontons vers le nord jusqu'au milieu de la Delaware Bay. La nuit sera courte: à 6 heures, Marc est levé comme un coucou et lève l'ancre pour profiter du courant favorable (encore lui...) afin d'arriver avant midi à l'entrée du Chesapeake & Delaware Canal. La navigation dans les 20 milles du canal s'apparente assez fort à du caravaning, on peut donc jouer tout son saoûl, prendre le soleil, et même faire la classe.

En milieu d'après-midi, ça y est, nous entrons dans la Chesapeake Bay... Nous passerons ici un mois à descendre doucement la baie avant de "tourner à droite" tout en bas pour remonter la rivière Potomac jusqu'à Washington.


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Rhode Island: 10 - 14 septembre

11 septembre (...): 20 milles rapidement avalés, et nous arrivons en milieu d'après-midi devant Fort Adams à Newport, où nous jetons l'ancre. Youhou, c'est le moment des retrouvailles avec Arnoud, Lizz, Felix et Adrien! Ils ont déménagé il y a un mois et sont maintenant installés dans une nouvelle maison, encore plus charmante que la précédente. Le vaste jardin est baigné de soleil, il y a du bon vin (et même des bulles!), un délicieux dîner, la compagnie de bons amis - bref, c'est le paradis pour petits et grands.

Après deux jours à profiter tant que possible de leur présence et à flâner dans la ville, nous mettons le cap sur Block Island, à 20 milles de là. La navigation est bonne, et marquée par un évènement de taille: pendant le déjeuner, Luca perd sa première dent...dans la polenta (on est Stocker ou on ne l'est pas!). Elle sera rapidement suivie par la deuxième - et à chaque fois, la Petite Souris a trouvé son chemin jusqu'à son oreiller! Oui, elle sait nager. Don't ask.

Block Island, elle aussi, est à la hauteur de notre excellent souvenir: la lumière est belle, la promenade magnifique et nous découvrons au sommet d'une colline une ferme abritant des animaux pour le moins exotiques...


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Provincetown, Cape Cod Canal et Buzzards Bay: 6 - 10 septembre

6 septembre. La navigation de quarante milles vers Provincetown est facile, voire même un peu trop calme: sans vent, nous avançons au moteur - lentement mais sûrement, et soulagés de sortir de la zone minée par les casiers à homards! En fin d'après-midi, nous jetons l'ancre à l'endroit précis où nous étions un mois auparavant, et prenons contact comme convenu avec Jérôme, l'ex-ORL reconverti en peintre/jardinier/cultivateur rencontré par un bienheureux hasard grâce à l'otite de Vadim lors de notre passage ici au mois d'août, sur notre route vers le Maine. Louis et lui nous reçoivent chez eux pour un somptueux dîner et nous passons ensemble une très bonne soirée. Le lendemain est une journée magnifique, et après un déjeuner à six sur Panta Rhei Jérôme nous transporte dans son "camion" à la découverte de quelques plages sublimes non loin de la ville. Quel bel endroit...

Nous souhaitions nous mettre en route le 8 pour passer le Cape Cod Canal, mais le temps est maussade et le vent défavorable. Nous prolongeons donc notre séjour à Provincetown d'un jour, et j'emmène les enfants en balade dans la ville (notamment dans l'étonnante bibliothèque municipale qui abrite dans la section "livres pour enfants" une réplique à l'échelle 1/2 d'une goélette du début du XXème siècle célébrant la tradition et le savoir-faire de la construction navale en Nouvelle-Angleterre...) tandis que Marc remonte, pour la première fois depuis longtemps, sur son kite-surf...

La traversée du canal, calibrée avec précision en fonction des courants très forts causées par les différences de marées de part et d'autre, est tranquille et nous entrons dans la Buzzards Bay où nous ferons deux haltes avant de retourner à Newport retrouver la famille Villegas: Mattapoisetts (dont l'atmosphère est aussi étrange que le nom, et où nous ne croiserons pratiquement pas âme qui vive) puis l'île de Cuttyhunk, toujours aussi belle, peut-être plus encore que lors de notre premier passage, dans la lumière et et le calme de l'après-saison.

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samedi 8 septembre 2012

Boston: 1 - 6 septembre

Après une belle nuit et une journée de navigation tranquille et ensoleillée (mis à part une véritable invasion de mouches à l'approche de la côte, rien à signaler), il est 16 heures environ ce 1er septembre quand nous jetons l'ancre devant le Fort Warren sur l'île de St George à quelques six milles de Boston: un site idéal pour dégourdir les jambes des enfants après une journée entière à bord...

Le lendemain, nous serpentons entre les Harbour Islands et franchissons le chenal d'entrée de Boston pour nous installer à une bouée devant la Waterboat Marina où, comme à New York, nous jouissons du spectacle étonnant du skyline à un jet de pierre du pont de Panta Rhei.

Nous sommes instantanément séduits par cette ville qui conjugue toutes les qualités: belle et cosmopolite, à la fois historique et bouillonnante, de taille accessible... et proche de la mer. Nous grimpons au sommet de la Prudential Tower, parcourons en vélo le Freedom Trail (un circuit de six kilomètres marqué au sol par une ligne rouge qui inclut les principaux monuments et haut-lieux de la ville, dont le magnifique Boston Public Garden, la Old North Church et le USS Constitution, frégate de la US Navy construite en 1794), visitons l'aquarium, nous imprégnons de l'atmosphère de North End (le quartier italien qui évoque vivement la géniale série The Soprano's, avec ses carrefours dédiés à la mémoire de figures emblématiques aux noms qui laissent rêveur: Johnny Da Pasquale, Jack Giovanonni ou Franck LaCarbonara...) et paressons au bord de la Charles River.

Ici aussi, nous aimerions revenir...

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Maine - part II: 25 - 31 août

L'air de rien, nous avons entamé la descente: depuis que nous avons quitté Mount Desert Island le 20 août, nous naviguons vers le sud(ouest), en sauts de puces entre les myriades d'îlots qui forment la belle Penobscot Bay.

Nous avançons le plus souvent en "petit train" avec Pingouin, et toujours en zigzag pour éviter les casiers à homards... Coup de coeur de cette fin de séjour dans la région, le mouillage de Seal Bay au sud est de l'île de Vinalhaven, où nous attendons la marée haute pour effectuer, à deux annexes, une magnifique promenade entre les rochers. Et les enfants ne se lassent pas d'explorer, tous les cinq, les merveilles de la nature...

Après un passage à Rockland pour profiter des facilités terrestres et goûter -enfin- aux spécialités culinaires du cru (c'est ici que se tient chaque année le Maine Lobster Festival), nous quittons Jean-Michel, Perrine et leurs trois délicieux enfants pour continuer, chacun à son rythme, la descente. Nos programmes sont légèrement différents à partir d'ici, puisqu'ils traceront en ligne droite depuis le Maine jusque Provincetown, avant de retraverser le Cape Cod canal, tandis que nous avons prévu de faire halte à Boston.

Mercredi 29, après une trentaine de milles depuis Rockland, nous arrivons à Boothbay Harbour. Après ces trois semaines exquises passées ensemble, l'absence des Pingouin crée un vide qui nous serre un peu le coeur... Nous attendons tranquillement (un dernier homard, une balade en bus autour de la péninsule) une fenêtre de vent favorable pour parcourir les 115 milles qui nous séparent de Boston et, à la tombée de la nuit ce vendredi 31, nous nous mettons en route. Le début de la nuit est un peu impressionnant, dès lors que le ciel est chargé d'orages et d'éclairs et que le vent souffle en rafales. Mais comme prévu (une fois n'est pas coutume...), les conditions se calment assez vite et la traversée sera belle et tranquille.


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samedi 25 août 2012

Maine - part I: 10 - 25 août

Nous le savions, la météo pour notre traversée de 175 milles vers le Maine n'était pas idéale: on annonçait un peu de pluie et des pointes jusqu'à 25 noeuds de vent. Rien de très engageant, au point que nos amis de Pingouin ont renoncé à partir en même temps que nous. En effet, nous avons quitté Provincetown sous un ciel menaçant, et l'après-midi de ce 10 août fut globalement humide et grise, avec un vent soufflant en rafales sur une mer croisée. Seule éclaircie (subjective): la vision, non loin de Panta Rhei, d'un groupe de baleines (ou de rorquals?) crachant à la surface de l'eau - elles paraissaient si nombreuses et proches de l'étrave que Marc a dégainé l'avertisseur de brume pour tenter de les éloigner!

Jusqu'à la tombée de la nuit, donc, c'était peu joyeux mais gérable au point de vue de la navigation: avec un ris, puis deux, dans la grand voile, nous avancions bien (plus de 9 noeuds de moyenne, youhou!) et nous avons pu trouver sans trop de difficulté un petit coin (dans le carré, les mouvements secouant trop dans les cabines) où coucher les enfants, tête bêche. Mais la situation s'est rapidement dégradée, quand vers 23 heures le vent a forci brusquement jusqu'à 45 noeuds, nous obligeant, sous une pluie devenue torrentielle et dans une mer bien agitée, à affaler complètement la grand voile, enrouler le génois et sortir la trinquette (ou voile de tempête). Et comme si les conditions n'étaient pas encore assez difficiles, tous les instruments (GPS, auto-pilote, anémomètre) sont tombés simultanément en panne, nous forçant à nous relayer à la barre pendant toute la nuit sous une pluie diluvienne, les yeux rivés sur la boussole pour tenter de garder un cap approximatif. Navigation à l'ancienne...

J'ignore ce qui, dans ce genre de situation, fait que l'on ne se laisse pas paralyser par le stress - quelque chose, sans doute, comme le réflexe de survie. Objectivement, la situation était très délicate, voire même dangereuse, et la vision de Marc en tenue de quart et en gilet de sauvetage, trempé par la pluie, circulant (le moins possible, quand même, et en s'attachant à la ligne de vie) sur le pont pour régler le gréement relevait pour moi, accrochée à la barre, du cauchemar éveillé. Mais le calme du capitaine et sa maîtrise du bateau, et puis la confiance à laquelle on se refuse de renoncer, conduisent à faire face - et à décompter patiemment les heures jusqu'au lever du jour, qui faute de calmer définitivement les conditions ramènera au moins de la lumière... Vers 8 heures, le vent a finalement faibli et la pluie a cessé, laissant place a une brume épaisse (moins de 100m de visibilité) alors que nous zigzaguions entre les rochers dans la baie de Penobscot - bienvenue dans le Maine !

***

Mais à l'heure où j'écris ceci, nous sommes deux semaines plus tard et cette traversée paraît bien loin, tant nous nous délectons chaque jour des paysages du Maine, très largement à la hauteur de nos attentes. Si l'on nous avait décrit la beauté de la région, on nous avait aussi mis en garde contre ses deux "fléaux": la brume et...les casiers à homards. Du premier, nous avons subi assez peu d'épisodes (et même dans la brume, c'est beau!), et du second nous avons réussi à éviter le pire, en n'emmêlant q'une seule fois (un exploit quand on voit à quel point la mer ressemble à un champ de mines, criblée de bouées multicolores) la ligne d'un casier dans l'hélice du moteur - ce qui a valu à Marc de plonger, armé d'un couteau, pour couper ladite ligne.

Les cinq Pingouin (Jean-Michel, Perrine, Martin, Caroline et Rémi), qui ont finalement quitté Provincetown trois jours après nous (175 milles au moteur, sans vent sur une mer d'huile...), nous ont rejoints au mouillage dans le fond du Somes Sound sur l'île de Mount Desert où nous avons passé une semaine entière à explorer les multiples beautés de ce paradis de "grande nature": Mount Cadillac ("the earliest sunrise in the United States"), Jordan Pond, Echo Lake - autant de promenades magnifiques entre rochers et forêts, prétextes à toutes sortes de découvertes animales et végétales! Sur Mount Desert aussi, un pèlerinage jusqu'au petit Brookside Cemetery de Somesville, où sont enterrées sobrement Marguerite Yourcenar (partie d'ici faire une croisière dans les Caraïbes le jour de son élection à l'Académie Française, quand même...) et sa compagne Grace Frick, qui ont vécu sur l'île pendant 35 ans jusqu'à la fin de leurs vies. L'émotion est forte d'imaginer leurs longues promenades dans l'isolement des Monts Déserts, ici même...


Après Mount Desert, nous avons découvert -avec les Pingouin toujours, dont nous savourons tant la présence que nous ne les quittons que pour dormir...- d'autres mouillages magnifiques et sauvages (Swans Island, Round Island et Mc Glathery), où la nature constitue un terrain de jeu infini pour les cinq enfants, qui partent en kayak jusqu'au rivage et s'amusent ensemble des heures durant, personnages imaginaires des histoires qu'ils s'inventent, récoltant les mille et un trésors mis au jour par la marée basse ou barbotant dans l'eau (glacée), manifestement heureux comme des Robinson... Depuis quinze jours, il fait presque inconditionnellement grand beau, et les paysages sublimes de pins et de blocs de granit géants se découpent avec une netteté parfaite dans une lumière éblouissante. A la question que l'on m'a souvent posée concernant notre voyage ("qu'est-ce qui vous a le plus plu?"), je commence à avoir une idée de réponse...


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vendredi 10 août 2012

Massachusetts: Cuttyhunk, Martha's Vineyard, Woods Hole, Cape Cod: 1 - 10 août


31 juillet. Sous un ciel gris et une légère brume (après tout, c'est la Nouvelle-Angleterre), nous quittons Newport, et l'Etat de Rhode Island, pour entrer dans le Massachusetts. Première étape, l'île de Cuttyhunk. Le temps est maussade et le bateau gigote tout le long - et pour rajouter au folklore, Vadim fait une déplaisante découverte dans le bol de instant noodles au poulet qu'on lui sert pour le déjeuner: "Maman, Papa, ce sont des asticots, ça !!?" - "Euh..pose ta fourchette et balance le tout par-dessus bord!!". Pas de doute, ce voyage les aura initiés à l'aventure...

Nous arrivons cependant sans séquelles, mais sous une pluie devenue torrentielle, dans le Cuttyhunk Pond, bassin presque entièrement fermé devant le village de Gosnold. Le lendemain, divine surprise, nous nous réveillons sous un ciel parfaitement clair et partons allègrement à la découverte de l'île. Le charme opère tout de suite, l'endroit est étonnant: ici, on circule à pied (nu) ou en voiturette de golf, il y a pour tout commerce une épicerie minuscule, les jardins sont très soigneusement fleuris et la sensation d'isolement est forte - si la population s'élève à quelques centaine pendant les mois d'été, ils sont 12 (oui, douze) à vivre là toute l'année. L'école du village, charmante comme tout le reste, fonctionne pour 2 (oui, deux) élèves inscrits...un frère et une soeur. Le petit musée de l'histoire locale nous apprendra que l'île constitua, en 1602, le premier établissement des Anglais dans la région, que les hivers y sont incroyablement rudes et que les premiers habitants gagnaient leur vie en partant au large guider les bateaux de passage à travers les dangereux récifs des environs (dans le Vineyard Sound et Buzzards Bay, de part et d'autre de Cuttyhunk), qui valurent à l'époque à cette région le surnom de "graveyard of the Atlantic"... 

Nous partons ensuite pour Martha's Vineyard, à l'est: Vineyard Haven, Oak Bluffs puis Edgartown. Beaucoup plus grande, et plus touristique, que Cuttyhunk, l'île est néanmoins très belle et nous y passons quelque journées délicieuses entre le bateau (reprise de la classe, enfin!) et les promenades. Ici, on ne se baigne pas beaucoup: l'eau est verdâtre et assez fraîche, et puis si l'île fut il y a 35 ans le lieu du tournage des deux premiers volets de la mythique saga "Jaws" de Spielberg, ce n'est pas par hasard: cet été encore, une trentaine de grands requins blancs ont été aperçus non loin des côtes!

Dimanche 5 août, cap vers le nord-ouest pour une petite navigation jusque Woods Hole, à la pointe sud du Cape Cod. Nous y passons deux nuits dans le magnifique mouillage abrité de Hadley Harbour (qui n'a de "harbour" que le nom: tout autour de nous, deux grandes maisons en bois, un ponton -privé, bien entendu- et de la grande nature...). Nous y retrouvons Pingouin et Ortémi: balade en dinghies entre les îlots, construction par les enfants d'une belle cabane sur la plage, dîner entre amis et visite des multiples institutions (aquarium, musée, centre de recherche) océanographiques. La ville toute entière semble consacrée à l'étude sous-marine - et se targue d'ailleurs d'avoir formé l'équipe de chercheurs qui a découvert l'épave du Titanic.

Nous passons ensuite par Marion (quelques cacahuètes au yacht club, une promenade à travers les rues désertes, un tour à la plaine de jeux, et un tête-à-tête pour moi avec le vieux propriétaire de l'épicerie -tout droit sortie de "La petite maison dans la prairie"- qui m'emmène dans son pick-up chercher de l'argent au distributeur car il n'accepte pas les cartes bancaires) avant de passer le Cape Cod canal pour nous poster à Provincetown, à l'extrémité nord de la péninsule, qui sera le point de départ de notre traversée vers le Maine. Provincetown, ville touristique mais néanmoins authentique, historiquement libérale: les façades sont agrémentées de drapeaux arc-en-ciel, les galeries d'art sont nombreuses et les couples homosexuels se promènent fièrement sous le soleil. Comme Vadim se plaint de façon de plus en plus criante d'une douleur violente dans les oreilles, nous nous mettons en chasse d'un ORL. Nos recherches nous conduisent chez un Québecois qui ne pratique plus depuis huit ans (ne pas croire tout ce qu'on lit sur internet) mais offre de faire une exception et de nous retrouver dans la demi-heure sur la plage (à travers le télescope installé dans son jardin pour l'occasion, il repère Panta Rhei à l'ancre dans la baie!) pour nous emmener chez lui, car il se dit touché par le fait que nous soyons en voyage en bateau, venus de si loin...et francophones! Outre notre gratitude pour cette consultation improvisée et gratuite au pays de la médecine hors de prix, nous avons été enchantés par cette rencontre avec Jérôme, installé dans une incroyable maison construite dans les années 70, dans un vaste terrain sur le promontoire de la ville avec le compagnon dont il partage la vie depuis 35 ans. Retraité à 50 ans, il occupe son temps à jardiner, cultiver son immense potager, peindre et...rêver de naviguer. Pour le remercier de sa gentillesse, nous l'avons invité à passer quelques heures avec nous sur Panta Rhei aujourd'hui, pour une micro-navigation en forme d'aller-retour à la plage de l'autre côté de la baie avec Perrine et les enfants. Ce fut (encore) une bien belle journée. 

Demain matin, si malgré les prévisions le brouillard n'est pas trop dense, nous mettrons avec Pingouin le cap vers le Maine, notre destination la plus au nord sur la côte est-américaine avant de redescendre doucement vers le sud pour retrouver la mer caraïbe début décembre.

lundi 30 juillet 2012

Newport - 13 - 31 juillet

Evidemment, le contact avait été pris, quelques jours avant notre arrivée à Newport, avec Arnoud, vieux copain belge d'-il-y-a-quinze-ans-a-Londres: il est installé dans la ville depuis quelques années, et on se réjouissait de le revoir, ainsi que de rencontrer sa femme Lizz et leurs deux garçons, Félix et Adrien.

Mais dès le moment où le chantier qui devait effectuer quelques travaux sur Panta Rhei (safran, antifouling) nous a indiqué que nous ne pourrions pas rester à bord une fois le bateau sorti de l'eau, ce qui devait être un tea-time rendez-vous s'est transformé en une installation en bonne et due forme dans la maison de Villegas: au total, plus de dix jours de cohabitation, dans une atmosphère joyeuse et animée, en immersion totale dans la vie de cette délicieuse famille belgo-américaine. Une maison charmante, un magnifique nid douillet ("un gnagnagna" digne de ce nom, un beau, un vrai) pour nous quatre dans une jolie chambre décorée de souvenirs discrets de leur vie à New Delhi, un jardin ombragé juste ce qu'il faut, une voiture (qui aura permis à capt'n Marc d'aller tous les jours jusqu'au chantier situé à Jamestown, de l'autre côté de la baie, superviser l'avancement des travaux et mettre la main à la pâte - merci Arnoud!!!), une machine à laver (alléluia!)... mais surtout Arnoud, et Lizz, Félix et Adrien, dont nous avons tous les quatre énormément apprécié la compagnie, la disponibilité et l'immense générosité.

Ortémi et Pingouin étant aussi à Newport, nous avons (bien sûr) connecté avec eux. Impossible d'envisager autre chose que de les voir tant que possible!

Arnoud, qui regardait hier soir mes photos de notre séjour ici, rigolait: "Très sympa - mais tu n'as pas une seule photo de Newport!" C'est vrai, le circuit touristique nous a quelque peu échappé - mais entre le Baileys Beach Club, les quelques navettes jusqu'au lieu du stage d'été de Félix (le Norman Bird Sanctuary, quelle beauté!), le cocktail chez Robert au bord de l'eau, avec zakouskis peanut butter-fried bacon (!), l'après-midi à la piscine chez Grampa, le diner chez Isabelle, les courses chez Trader Joe's à une demi-heure de voiture de la ville, l'achat du homard à prix réduit directement chez le pêcheur dans un hangar à côté du boatyard, la session "tie-dying" de t-shirts dans le jardin, la plage de Mackerell Cove, le Folk festival suivi depuis le cockpit de Panta Rhei (enfin de retour dans l'eau...) ou les longues soirées sur la terrasse à profiter de la fraîcheur du soir, nous en étions presque à nous prendre pour des vrais Newporters...

Quelle joie, et quelle chance nous avons eue, de vivre ainsi de l'intérieur une ville étrangère, guidés par des amis bienveillants; MERCI infiniment, Lizz et Arnoud, mais aussi Félix et Adrien, pour votre hospitalité qui nous a été droit au coeur. Comment aurions-nous fait sans vous?


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samedi 21 juillet 2012

Tour de Manhattan et Long Island Sound: 6 - 13 juillet

6 juillet. Une heure avant que le réveil, pourtant branché pour 6h45 (!), ne sonne, Marc est déjà affairé à récupérer les deux ancres. Nous commençons, aidés par une marée et des courants favorables, notre descente de la Hudson River. Dans la lumière dorée du point du jour, nous saluons d'assez près Lady Liberty dont la torche et la couronne semblent faits de feu. Nous sommes tous les quatre émerveillés.

Passée la pointe sud de Manhattan, nous remontons l'East River -toujours au moteur- et passons dans un calme étonnant sous le Brooklyn Bridge puis le Manhattan Bridge; la vision est magique. Frayeur (heureusement brève) lorsque l'hélice du moteur cale après qu'un bruit sourd ait retenti sous la coque: dans le faible remous du bateau, nous voyons remonter à la surface, après quelques minutes, une gigantesque bille de chemin de fer - nous avions été droit dessus... * Mais dans ce bref intervalle, Marc avait déjà branché la VHF sur le 16 (canal d'urgence) et commencé à dérouler le génois. Incontestablement, le capitaine a de bons et rapides réflexes...


* Pour quiconque se soucierait de savoir si elle a fait des dégâts, il est évident qu'à l'heure où j'écris ceci Marc a déjà plongé (à vrai dire, le soir même) pour s'assurer que rien n'était endommagé: pas une trace de choc. That was lucky...

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Nous entrons dans le Long Island Sound, sorte de mer intérieure formée au nord par la côte du Connecticut et au sud par l'île de Long Island. La mer est très calme, évidemment, sauf lorsque passent en trombe les navettes qui relient les deux côtés. Nous arrivons à 19h30 dans Oyster Bay où nous jetons l'ancre. Nous découvrirons le lendemain que le paysage au bord de l'eau (saumâtre, verdâtre et opaque, en somme pas très invitante) est composé exclusivement de maisons gigantesques nichées dans des parcs privés. Ce n'est pas l'envie qui nous manque d'aller explorer le coin, mais on ne peut laisser le dinghy nulle part. Nous passons donc beaucoup de temps à bord, et Marc en profite pour gratter avec acharnement, au moyen de 65 plongées successives en apnée, les coquillages qui recouvrent entièrement la coque sous la ligne de flottaison. En somme, notre seul contact avec la terre là-bas aura été un aller-retour dans une marina aux allures de chantier, sans charme - mais, entre la découverte de plusieurs carcasses de limules (!) et la visite de la plaine de jeux, les enfants ont trouvé l'étape formidable...

Dans notre progressions à travers le Long Island Sound, nous découvrons aussi les magnifiques îles Thimble, archipel de petits îlots quasi-tous occupés par une vaste maison en bois et un jardin fleuri dégoulinant dans l'eau. S'il n'y avait, dans tous ces jardins (sans exception), de hauts mâts arborant d'immenses drapeaux américains, on pourrait s'imaginer en Suède...

Dernières étapes avant de quitter le Connecticut pour Rhode Island, Shelter Island et Sag Harbour (destinations chic des Hamptons où les New-Yorkais de Wall Street viennent en avion passer le weekend dans des maisons cossues, sans grand intérêt mais avec quelques vestiges du XVIIIème siècle. L'ambiance est un peu celle d'un ghetto mais l'accueil est charmant, pour ce que nous en avons déduit de l'efficacité des déplacements en auto-stop...), puis Block Island. Cette dernière halte est magnifique: nous parcourons le sud de l'île en vélo sous un temps parfait, sur les routes désertes qui serpentent entre les jardins aux immenses massifs d'hortensias bleus, et nous arrêtons ça et là pour nous rafraîchir au bord de la mer.

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vendredi 6 juillet 2012

New York City, 17 juin - 6 juillet

Dimanche 17 juin. New York! Cinq semaines de belgitude intensive (merci à la famille, aux amis et à l'école pour votre accueil chaleureux et votre présence affectueuse - grâce à vous on n'a (presque) pas remarqué qu'il faisait à Bruxelles un temps quasi-automnal...) et deux vols transatlantiques après nos adieux à Saint Martin, et voici enfin le temps des retrouvailles! Marc nous cueille à JFK, après que nous ayons passé sans trop de peine la double épreuve de l'interminable file et de l'interrogatoire à l'entrée sur le territoire américain. Il est toujours aussi beau, bronzé et souriant près sa navigation hauturière à travers le Gulf Stream, et impatient de nous faire découvrir le mouillage où le bateau nous attend.


En effet, c'est saisissant: notre belle Panta Rhei, celle-là même qui, depuis un an, nous a amenés de Malte aux Canaries, en passant par la Sardaigne, la Corse, les Baléares et Gibraltar, puis tout le long de l’arc antillais, est à présent accrochée au quai (un peu fatigué, mais vaillant) du Boat Basin situé à l’extrémité de la 79ème rue dans l’Upper West Side de Manhattan. A cinq minutes à pied de Broadway, dix minutes de Central Park, voilà un point de départ idéal pour nos explorations quotidiennes!


Le contraste, évidemment, est immense et radical avec l'isolement et le silence des mouillages que nous avons fréquentés pendant les cinq mois de notre saison caraïbe. N'est-ce pas là justement que réside la magie de ce voyage? Ce qui nous attend ici n'a rien de commun avec ce que nous avons vécu jusque là. Pourtant, nous continuons d'être "à la maison" sur le bateau - et nous plongeons bien vite dans la frénésie citadine...


Par ailleurs nous nous régalons de la présence, au même mouillage, d’Ortemi (Tea, Mirko et Aurélien, dont nous avons croisé la route pour la première fois à Gibraltar en octobre dernier) et Pingouin (Perrine, Jean-Michel, Martin, Caroline et Rémi, rencontrés au Saba Rock grâce à Ortemi, juste avant de quitter les BVIs pour Saint Martin): les journées sont souvent passées ensemble, en tout ou en partie, et les enfants forment une très joyeuse bande. Entre les grands comme entre les petits, l’alchimie fonctionne à merveille et on en redemande... 


Pendant près de trois semaines, finalement (ce devait être une dizaine de jours, mais nous n'avons pas cessé de prolonger le séjour, tant la ville magnétise, envoûte, fascine), nous marchons sans relâche et nous promenons, les yeux grands ouverts, dans la chaleur caniculaire de cette métropole immense, grouillante et extraordinairement variée. Interrogés sur ce qu'ils retiendront de New York, les enfants répondent sans hésiter: les moments passés avec les copains, les écureuils (et les aigles!) de Central Park, les fontaines dans les plaines de jeux, l'expédition à Coney Island ou la sortie cinéma avec leur papa, et...les vendeurs de hot-dogs.


Il y a eu tant de beaux et bons moments qu'il serait bien difficile de les relater chacun en détail: flânerie dans Chinatown, Greenwich Village ou autour de Times Square; promenade sur la High Line (ancienne ligne de chemin de fer aérienne reconvertie en promenade verte surplombant la ville); visite du Guggenheim, du MoMa ou du Musée d'Histoire Naturelle; quelques pas de boogie dans la fraîcheur du soir lors d'un concert en plein air de Charlie Watts devant le Lincoln Center; concert/brunch au Lenox Lounge à Harlem; ascension de l'Empire State Building; balade en vélo sur le Brooklyn Bridge et dans le Financial District de Manhattan - sans compter, le soir du 4 juillet, la visite à bord de Kate (vieille amie de la famille, “vraie” new-yorkaise et néanmoins émerveillée par le spectacle de la ville depuis le bateau...) et les sublimes feux d'artifice tirés sur la Hudson River, admirés aux premières loges, à 17 (!) sur le pont de Panta Rhei! 


Parce que les meilleures choses ont une fin, il va falloir que l'on s'arrache pour entamer notre remontée de la côte est... Le départ est prévu demain à l'aube, les courants et les marées étant tels dans la rivière qu'il faut impérativement viser une fenêtre de départ précise afin de ne pas risquer de faire du sur place... voire même de reculer! 

dimanche 1 juillet 2012

Traversée St Martin - Bermudes - New York: 26 mai - 13 juin

26 mai: mon équipage de traversée débarque. Dix jours déjà que Céline et les enfants sont partis à Bruxelles. Dix jours de travaux divers et d'entretien saisonnier sur Panta Rhei pour le capitaine (qui se distrait ainsi de la cruelle absence), et voici enfin approcher, comme une libération, le temps de la navigation.  Et quelle navigation !

1700 milles d'une superbe diagonale à travers l'Atlantique Nord pour rallier les Caraïbes à New York. Finis les alizés, le ciel cotonneux et les mers tempérées. Nous rentrons ici dans le régime des dépressions altantiques qui se forment en continu le long de la côte Est des Etats Unis et du Canada. Celles-ci ont la réputation de rapidement lever des conditions de mer effroyables, surtout au nord des Bermudes, et sont craintes par tous les marins transitant dans la région.

Pour ceux qui entament la transat dite "retour" vers l'Europe, le jeu consiste à surfer autour de ces systèmes dépressionnaires vers les Açores en restant suffisamment au sud pour éviter de se retrouver piégé dans des conditions dangereuses. Mais pour ceux qui rejoignent le nord des Etats Unis, pas d'autre choix que de rentrer dans la mêlée, si possible à la faveur d'un bon créneau météo, mais en se préparant quoi qu'il arrive à subir du gros temps. Le capitaine et ses trois équipiers, Jérôme Spriet (photographe, esthète et passionné de mer), François Podevyn (fonctionnaire anarchiste et vieux loup de mer) et Pierre Podevyn (fils de ce dernier, guitariste hypotendu et candidat au rêve americain) sont prêts au combat !

28 mai: nous lâchons les amarres d'un quai solitaire de Sint Maarten, et prenons la route vers les Bermudes - pour un arrêt pipi avant New York.

Les 900 milles qui nous séparent de l'archipel sont parcourus en sept jours et sans grand incident. Les conditions que nous rencontrons sont même assez calmes, tandis que la tempête tropicale Beryl laboure l'ocean Atlantique à 500 milles à peine à l'ouest de notre position et menace de converger vers nous si nous traînons en chemin. Son passage au nord des Bermudes et les perturbations qu'elle laisse dans son sillage nous obligeront a marquer un arrêt plus long que prévu (cinq jours) dans la baie de St Georges avant qu'il ne devienne possible de reprendre la mer vers New York dans des conditions négociables.

Cette halte forcée constitua finalement une bien agréable surprise: les Bermudes, perdues au milieu de l'Atlantique, sont d'une beauté inattendue, et nous y faisons de belles rencontres, locaux et marins de passage confondus. Nous y retrouvons aussi, avec grand plaisir, nos amis des bateaux Ortemi et Pingouin, que nous avions quittés aux BVIs un mois plus tôt.

8 juin: nous nous engouffrons juste derrière le dernier front froid et partons au près sous la pluie et dans une mer toujours formée. Cap au nord-ouest, pour 700 milles jusqu'à Manhattan. La météo est capricieuse, avec plusieurs bascules de vent prévues et des allures de près qui rendent indispensable un routage précis afin de garder de la vitesse et éviter de rallonger le voyage (nous avons peu de marge de manoeuvre, puisque Jérôme doit impérativement être de retour en Europe le 15 juin). Mais dans l'ensemble, les conditions sont favorables. Le capitaine se permet d'ailleurs à mi-chemin une plongée en eaux froides pour extirper de l'hélice une sac plastique pêché en route. Seule source d'anxiété, le passage du Gulf Stream, gigantesque tapis roulant océanique propulsant des milliards de litres d'eau à près de quatre noeuds vers le nord de l'Europe. Ce puissant courant, quand il est combiné à des vents contraires, peut générer une mer déferlante et dangereuse. Or, justement, nous nous trouvons dans ce cas de figure, le vent soufflant de nord-est a 15-20 noeuds... interesting! Nous sommes en effet quelque peu chahutés mais Panta Rhei, tout le long, reste parfaitement manoeuvrante et étale la mer sans difficulte. God I love this boat!!

Seule la dernière nuit nous réservera une désagréable surprise: jusqu'à 40 noeuds de vent et une mer confuse qui fatigue le bateau et les hommes. Aussi, la vision du skyline de Manhattan se découpant dans la lumière naissante de ce matin pluvieux du 13 juin sera particulièrement magique. Dans le grand sac à souvenirs, le passage de Panta Rhei sous la Statue de la Liberté et sa longue remontée de l'Hudson River jusqu'à notre improbable mouillage de l'Upper West Side, au niveau de la 79ème rue, occuperont certainement une place toute spéciale...

15 juin: 12.000 milles nautiques (soit 21.000 kilomètres) parcourus sur Panta Rhei depuis son départ de Hollande - et nous voici à Harlem, à deux heures du matin dans la mythique Zebra Room du Lenox Lounge, assistant à une jam session improvisée a laquelle, un demi-siècle plus tot, on aurait pu voir participer Billie Holiday ou Thelonious Monk. Ce qui donne tant de saveur à ces instants, c'est sûrement le chemin qui y mène....

MERCI à Jérôme, François et Pierre pour cette nouvelle contribution au périple des Stockers on sea; le capitaine était une fois de plus très fier de son équipage ! Demain, Céline, Luca et Vadim me reviennent du plat pays et nous ouvrirons ensemble une nouvelle page de cette grande et belle aventure...

Dreams do come true!!!

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