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mardi 27 mars 2012

Saint Barth, 16-25 mars

Après une traversée de nuit assez facile quoique modérément confortable, nous mouillons l'ancre devant le petit port de Gustavia, à Saint Barth, vers 6 heures du matin. Nous mettons le pied à terre pour les formalités d'entrée, fascinés de découvrir ici une atmosphère qui contraste grandement avec notre étape précédente: beaucoup de monde dans cette petite ville aux allures de Saint Tropez des Antilles, mélange de touristes américains et d'équipiers affairés à préparer leurs voiliers pour la "Bucket Regatta", course annuelle qui rassemble des gréements magnifiques (47 voiliers, entre 30 et 60 mètres de long, inscrits cette année - pour rappel, Panta Rhei fait 14,5 mètres...).

Samedi 17, nous retrouvons avec bonheur mon frère Laurent avec Amélie et leurs deux petites, Louise et Gabrielle. Nous passons avec eux une semaine exquise: les retrouvailles instantanées entre Louise (qui s'est révélé une redoutable matelote) et ses cousins, les petites navigations pour partager un peu de notre vie à bord, les yeux d'azur de ma filleule Gabrielle, la ballade sur le sentier de bord de mer, les moments de pur(s) délice(s) dans cet hôtel magnifique, le dîner à quatre pendant que les enfants faisaient la fête avec la babysitter... tout était un régal. Du fond du coeur MERCI! C'était si bon de vous voir, et de vous "avoir", mais si court aussi que c'est passé comme un rêve. S'il vous plaît remettez ça bien vite...
  
Samedi 24, le compte à rebours lancé par Luca à Noël est enfin écoulé: il a 6 ans! Il se réveille à l'aube, n'y tenant plus, et déballe avec un sourire lumineux les cadeaux qu'il avait repérés dans les cachettes improvisées sur le bateau... Nous allons mouiller l'ancre devant la toute petite île Fourchue, à 5 milles de Gustavia, où nous passons une belle journée d'anniversaire: les copains de Taoz et de Petit Piment, rencontrés respectivement à Pointe-à-Pitre et à Antigua, viennent partager le gâteau et la fête se poursuit sur la plage jusqu'à la nuit...

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Barbuda, 11-15 mars

Pour quitter le mouillage de Green Island et continuer vers le Nord sans faire le tour complet d'Antigua, il faut se frayer un chemin entre les cayes (petites îles affleurantes) et les hauts-fonds. Comme l'eau est transparente, les enfants et moi nous postons à la proue afin de guetter les taches sombres... En outre, nous sommes aidés par Olivier qui pilote "Coco" juste devant nous et avec qui nous naviguons de concert jusque Barbuda. Belle traversée, ponctuée par un grain qui amène une pluie archi-dense (un instant on s'est crus en Mer du Nord), mais assez brève, puis par la pêche d'un beau gros barracuda aux redoutables dents pointues. Les informations glanées dans les livres, et auprès de Patrick et Pascale (équipiers de Coco qui vivent en Martinique) par VHF sont univoques: surtout, s'abstenir de manger une bête pareille pêchée dans ces eaux-ci, vu le risque élevé de contamination à la ciguatera (en gros, danger d'intoxication alimentaire, potentiellement fatale, par la chair du poisson contaminée par une micro-algue présente dans les récifs coralliens). On se contente donc de l'observer de près, de le dessiner, puis...de le disséquer. Atelier sciences et nature...

Souvent oubliée des circuits, dans l'ombre d'Antigua (avec qui elle forme un pays) et pouvant passer inaperçue (elle est si plate qu'elle n'est visible du large que lorsqu'on s'en approche à moins de dix milles), Barbuda est pourtant une magnifique surprise: une fois gérée la navigation en zig-zag entre les hauts-fonds pour arriver à Spanish point, nous jetons l'ancre dans ce qui nous apparait tout de suite comme le plus beau mouillage que l'on ait visité dans les Antilles. Tous les éléments du cliché caraïbe sont là, tout est d'une beauté tellement soufflante que l'on croirait le décor peint: la côte, déserte, est bordée d'une plage au sable éblouissant, l'eau est limpide et turquoise, les vagues cassent au large sur la barrière de corail, les fonds blancs sont une irrésistible invitation. Et dans cette vaste baie, nous sommes quatre bateaux.

Le temps est calme, et nous avons tôt fait de repérer l'endroit où planter la tente pour le camping sur la plage promis aux enfants depuis le début du voyage... Grand jour donc pour Luca et Vadim, qui restent avec leur papa sous les étoiles, au bord du feu, tandis que l'équipage de Coco, avec qui nous avons partagé un dîner les pieds dans le sable, rentre à bord et me dépose sur Panta Rhei.

Après Spanish point, nous faisons halte à Low Bay, en face de la capitale Codrington, pour y effectuer les formalités de sortie (un circuit pédestre en forme de jeu de piste kafkaïen, envoyés d'un bout à l'autre de cette ville déserte pour franchir une à une les étapes de la procédure: autorités du port, douane, immigration. Il aura fallu beaucoup demander son chemin et, à l'une ou l'autre occasion, réveiller les employés endormis sur leur bureau, mais Olivier, Laure-Astrid, les enfants et moi en sommes arrivés à bout!).

Parce que nous avons le même programme, que notre rencontre avec eux nous enchante, que le vent est annoncé trop faible le lendemain et que la navigation de concert est une expérience nouvelle et amusante, nous décidons de quitter Low Bay en même temps que Coco, le 15 mars à la nuit tombée - avec en mémoire les souvenirs marquants de ce délicieux séjour à Barbuda avec Olivier, Laure-Astrid, Patrick, Pascale et Ambre: le rhum à midi assis sur les fonds blancs, les feux sur la plage, les frites faites maison, les quelques bords en kitesurf à la faveur d'un souffle de vent, et les appels d'Ambre de bateau à bateau qui réclamait "les filles" - pourtant, Luca et Vadim n'étaient pas plus vêtus que d'habitude...

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dimanche 11 mars 2012

Antigua, 2-10 mars

Vendredi 2, apres deux haltes le long de la cote sous le vent de la Guadeloupe, nous entamons depuis Deshaies, a la pointe nord ouest, notre traversee vers Antigua. Vu que le temps sur la Guadeloupe est gris et pluvieux, on apprehende une navigation difficile entre les grains. Miraculeusement, il n'en est rien: c'est a une allure agreable, a une vitesse moyenne de 7,7 noeuds et sous un soleil radieux que nous parcourons les 41 milles qui nous separaient d'English Harbour.

Nous jetons l'ancre dans la baie, archi-protegee, juste en face du Nelson's Dockyard, ancienne base de la marine britannique au XVIIIeme siecle, dont subsistent beaucoup de batiments soigneusement restaures. Les voiliers amarres au quai, rivalisant de grandeur et d'opulence, sont astiques du matin au soir par des equipages nombreux, en uniforme reglementaire bleu marine et blanc. Very chic...

Antigua n'a jamais cesse d'etre sous controle des Anglais pendant plus de trois siecles, et bien qu'etant aujourd'hui un Etat independant (Antigua-and-Barbuda), elle fait partie du Commonwealth. Il regne ici une atmosphere tres British, et entre les ruelles fleuries et les batisses en pierre, on se croirait presque dans les Cotswolds... Cherry on the cake, English Harbour recoit la visite, pendant notre sejour, du Prince Edward et de sa femme arrives a bord de leur enorme yacht "Leander": defile militaire, fanfare et hordes d'Anglais en emoi. Je ne sais pas bien comment, mais je me suis retrouvee avec les enfants au devant de la foule, et nous avons echange quelques mots avec "le Prince", amuse par la vision de Vadim qui s'etait deleste d'une partie des vetements que j'avais obtenu de lui faire porter pour se retrouver en t-shirt et sandales, l'epee en mousse bien coincee a la taille dans l'elastique du calecon... God save the Queen!

Comme le vent et la houle ne faiblissent pas pendant pres d'une semaine, nous restons "planques" dans la baie et faisons la connaissance de l'equipage de "Coco", Olivier, Laure-Astrid, Pascale, Patrick et Ambre. Le contact est immediatement tres bon, et nous passons ensemble deux soirees tres joviales, avant de decider de traverser ensemble vers Green Island, un mouillage sublime situe a la pointe est d'Antigua, protege de l'Atlantique par une longue barriere de corail. Le paradis des kitesurfeurs...

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Guadeloupe, suite & fin - 24 fevrier - 2 mars

Le soir meme du depart des copains, l'invitation a diner d'Anne-Laure, notre voisine de ponton (ou presque, a un Norvegien pres dont il sera question plus tard) tombe a pic pour dissiper la tristesse. C'est le debut d'une longue serie d'allers-retours entre Catanelo, son catamaran, et Panta Rhei: pendant pres d'une semaine, nous menons entre les deux bateaux une vie quasi-terrienne sans bouger de notre emplacement dans la marina.

Malgre le temps maussade, et globalement tres humide, tout le monde s'en trouve fort bien: l'amitie aussi forte qu'instantanee entre Antoine et Luca, jumeaux a trois jours pres, est un regal a observer (il vient meme dormir chez nous, et Luca est aux anges), Vadim se joint a eux avec entrain, pas le moins du monde inquiet de faire possiblement office de cinquieme roue du carrosse, et nous sommes chaque jour davantage seduits par la personnalite d'Anne-Laure, qui orchestre avec un sourire et une vigilance constants la vie a bord de Catanelo (Arthur l'intrepide n'a pas deux ans et demande encore beaucoup d'attention) pendant les longues periodes d'absence de son mari, commandant d'un navire petrolier. Pour le moment, il est en mission de deux mois quelque part au large des cotes du Nigeria et, en attendant qu'il revienne et qu'ils se remettent a naviguer en famille, elle assume seule, avec une bienveillante autorite, l'ecole, les mises a la sieste, les cours de karate deniches non loin de la marina, les crises d'asthme, les repas, les excursions dans l'ile, les jeux a bord...et trouve encore le moyen de faire la connaissance, comme il semble que ce soit le cas a chaque fois qu'elle "s'installe" temporairement dans une marina, d'une quantite invraisemblable de gens, marins ou non. Son indeniable talent de contact et d'ouverture attire le monde a elle, et il ne se passe pas deux heures sans qu'elle recoive de la visite.

Au chapitre des desagrements, pendant cette semaine dans la marina de Bas-de-Fort a Pointe-a-Pitre, on notera l'emotion suscitee par la chute de Luca sur Catanelo, atterri a pleine vitesse la tete sur une poulie: beaucoup de sang et la crainte de devoir recoudre, heureusement ecartee. Plus de peur que de mal.

Autant de mal que de peur, par contre, pour la voisine norvegienne que nous partagions avec Catanelo: apres une chute, quelques jours plus tot a l'aube, dans l'eau du port entre la jupe arriere de son bateau et le quai (rattrapee in extremis, presque inerte, par Anne-Laure, Marc et Felix qui entamait ainsi en fanfare son dernier jour avec nous) qui lui avait valu trois points de suture sur le crane (decidement...), elle a debarque un matin, haletante, demandant le numero de la police qu'elle voulait appeler pour denoncer les violences conjugales de son viking de mari. Il faut dire qu'il avait entrepris de nous aider a la manoeuvre d'amarrage, a notre arrivee dans la marina, en nous avertissant d'emblee qu'il avait bu toute la journee ("It's carnaval, you know") et en se revelant tres agressif lorsque je lui avais demande de diminuer le volume de son ipod qui crachait du Black Sabbath au maximum de ses capacites... Alors, lorsqu'il a jete le baluchon de sa femme sur le quai, en affirmant qu'il la tuerait si elle remontait a bord, nous avons pris les choses tres au serieux: Anne-Laure a offert a Ellen l'hospitalite pendant que Marc et moi emmenions Antoine, Luca et Vadim a la plage, loin de ce sordide spectacle. Apparemment il a fallu les efforts conjugues de quatre policiers, et la capacite de conviction d'Anne-Laure, pour la decider a ne pas remonter a bord, comme elle le voulait le faire. Dieu sait ou elle est maintenant, mais aux dernieres nouvelles la police l'avait laissee, en djellaba et clapettes, a l'aeroport de Pointe-a-Pitre...

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