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jeudi 23 mai 2013

Epilogue - Abaco et dernière traversée vers la Floride: 21 avril - 14 mai

Pendant trois ou quatre jours, le paysage déjà morne de Marsh Harbour est obscurci par la pluie et nous attendons que cela passe, profitant entre deux averses de la petite piscine d'une marina voisine. Mercredi 24 avril, le temps est redevenu beau, le vent favorable et nous partons, enfin, pour une petite navigation jusque Great Guana Cay, où nous faisons la rencontre d'une famille américaine vivant à bord de son catamaran TAKE TWO: dans ce grand appartement flottant, le quotidien des cinq (!) enfants est orchestré avec une redoutable efficacité par Tanya, la maman, dont le sourire constant est une inspiration pour moi... Nous passons ensemble de très bons moments avant que, très vite, nos routes ne se séparent et que, une fois encore, les enfants nous demandent pourquoi on doit toujours quitter les copains que l'on vient de se faire...

Entre Great Guana Cay et Great Sale Cay, qui sera notre point de départ pour la traversée vers la Floride, il y a environ 70 milles que nous parcourons en deux semaines, soit à un rythme très lent! Ce que nous en retiendrons surtout, c'est notre halte prolongée devant le minuscule village de New Plymouth sur Green Turtle Cay. Pour la petite histoire, New Plymouth a été fondé par une communauté de loyalistes, c'est-à-dire des colons américains qui, au moment de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, ont choisi de rester fidèles à la monarchie britannique - d'où son nom, je suppose. C'est ainsi que dans le périmètre du "Heritage Festival" annuel, auquel par chance nous avons pu assister, on voit se promener entre les stands d'artisanat local ou de salades de lambi des dames en costume du XVIIIème siècle... Ces deux jours de fête et de musique auxquels viennent participer les habitants de toutes les cayes environnantes culminent avec le junkanoo, parade d'enfants déguisés de costumes fabriqués avec une minutie et une imagination époustouflantes tout au long de l'année scolaire. Un régal pour les yeux et une grande inspiration pour Luca et Vadim...

Après Green Turtle Cay, c'est vraiment... le début de la fin: derniers mouillages sauvages, dernière classe, derniers bains de mer. Vendredi 10 mai, parce qu'il semble que la météo prévoie un répit et que nous pourrons passer entre les orages qui tournent depuis quelques jours, nous levons l'ancre (ça aussi, pour la dernière fois...) à Great Sale Cay et entamons l'ultime traversée de notre aventure en famille: au lever du soleil le lendemain, nous approchons des côtes de Floride la gorge serrée.

Le retour à terre se fait rapidement, et brusquement, autour de la marina de Cap Canaveral où les enfants et moi descendrons du bateau pour prendre un avion vers Bruxelles: trois jours de vidage, rangements, valises... et même une expédition dans un shopping mall à Orlando, à cent mille lieues de la pêche aux oursins à Green Turtle Cay! Le jour-même de notre départ, ce 14 mai, le fidèle François arrive et embarque sur Panta Rhei pour accompagner Marc dans la remontée jusque Washington où le bateau séjournera un moment, en attendant que l'avenir se dessine.



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Difficile de se représenter que nous allons quitter Panta Rhei, notre maison, et tourner la page sur cet extraordinaire moment de vie. Environ vingt-cinq pays visités et près de trente mille kilomètres parcourus. Deux ans de découvertes, de surprises, d'aventures en tous genres, bonnes et moins bonnes, au terme desquelles nous sommes tous les quatre heureux et fiers de pouvoir puiser à l'infini dans ce trésor d'expériences qui nous appartient pour toujours. Les enfants nous ont impressionnés, émerveillés, étonnés et Marc et moi regardons vers l'avant avec confiance. Même si l'avenir est encore incertain (mais en est-il jamais autrement?), d'une façon ou d'une autre l'aventure continue...

Je trace ici les dernières lignes de ce blog qui aura été pendant tout le voyage mon espace personnel et une immense source de plaisir - et je termine en exprimant ma gratitude.


Merci à celles et ceux que nous avons rencontré(e)s sur l'eau et avec qui nous avons partagé des moments parfois trop brefs mais toujours mémorables. Ils sont intimement liés à nos souvenirs sur Panta Rhei. Dans le désordre: Anne-Laure, Antoine et Arthur sur CATANELO; Perrine, Jean-Michel, Martin, Caroline et Rémi sur PINGOUIN; Tea, Mirko et Aurélien sur ORTEMI; Jeremy sur MANAO; Dale sur TARA; Olivier et Anne-Laure sur COCO; Chantal, Michaël et Arthur sur CAJOU; Géraldine, Greg, Louise et Marco sur LOUISA ONE; Carine, Fred, Tom et Louna sur PETIT PIMENT; Marion et Seb sur BACK OF THE MOON; Anne-Gaëlle, Matthieu, Rapahaël et Adrien sur TAOZ; Isa, Jean-Philippe et Lou sur GADJO DILLO; Daniel et Marta sur THALIA; Patricia, Manu, Fanny et Lisa sur KUANIDUP; Marco, Manuel et Laura sur SANDOKAN; Eric, Alice, Coline et Eden sur SURICAT; Julie, Fred, Charlotte, Paco et Manao sur ZUELA; Catherine, Yannick, Gabrielle, Myriam, Véronique et Eve sur LHASA; Jim sur CARISMA; Tanya, Jay, Eli, Aaron, Sarah, Sam et Rachel sur TAKE TWO; Robin, Jim et Daniel sur LAMMEROO.

Merci à celles et ceux qui nous ont accueillis en chemin et nous ont, avec une générosité qui nous a touchés droit au coeur, offert d'inoubliables "haltes terrestres" - par ordre chronologique: les familles d'Aoust, de Liedekerke, Tuinman, Scheyven, Diercxsens et de Meeûs en Corse; Scott, Olivia, Cassandra et Zelda à Majorque; Kate à New York; Lizz, Arnoud, Félix et Adrien à Newport; Jérôme et Luis à Provincetown; Penny, Drew et Adrian à Washington.

Merci à celles et ceux qui ont voyagé, parfois loin (et, pour certains, plusieurs fois!) pour venir voir de leur yeux et partager avec nous l'expérience de la vie à bord (c'est-à-dire le soleil et la mer... mais aussi le pompage des toilettes et le rationnement de l'eau): à chaque fois, des moments exquis et des souvenirs impérissables. Par ordre chronologique, encore: Tina, Cédric, Manu et Austin; Nadia; Papa et Maman; Amélie; Ian; François et Sylvia; Sophie, Laurent, Noémie et Gaspard; Ariane, Felix et Max; Laurent, Amélie, Louise et Gabrielle; Luc; Alicia, Olivier, Félix et Cassandre;  Emma et Juliette.

Merci aux équipiers occasionnels qui, de Gran Canaria à la Martinique (en passant par le Cap Vert) et/ou de Saint Martin à New York, ont accompagné Marc pendant les deux longues traversées que nous n'avons pas faites en famille. Ils ont été des compagnons de route efficaces, intrépides et enthousiastes:  Patrick, Jérôme, Frank et François, you're part of the Panta Rhei crew!

Merci à vous tou(te)s qui, physiquement et/ou en pensées, avez été présent(e)s tout au long de notre périple.

Et puis, au-delà de l'exprimable, MERCI à mes deux merveilleux enfants et à mon capitaine dont les talents sont infinis et qui, décidément, m'en fait vivre de toutes les couleurs... I love you.


Finalement, pour les amoureux du large, voici trois courtes videos filmées par Marc durant son dernier galop océanique vers Washington DC...









samedi 4 mai 2013

Bahamas, Nassau & Abacos: 13-20 avril

Vendredi 12, dernière soirée passée avec Laurent, Emma et Juliette... On se sent bien loin du palmier solitaire sur l'îlot robinson-esque de Norman's Cay, quitté pourtant le matin-même. Nous sommes à Nassau, que l'on a vue poindre de loin "grâce à" la silhouette éléphantesque du club de vacances Atlantis sur Paradise Island, extravagance délirante et kitschissime (6000 employés, 2500 chambres d'hôtel, un casino grand comme une ville, et même un temple Maya planté au milieu de l'une des onze piscines - aïe), et pourtant si rentable que le concept a été décliné en version -encore plus- scintillante à Dubaï...

Mais sur Paradise Island il y a aussi, loin des clochetons de l'Atlantis, un hôtel caché dans un bout de palmeraie où l'on a dîné délicieusement et très gaiement -merci Laurent!- entre mer immense et jardin manucuré. C'était carrément "une fois autre chose", et nous en avons profité grandement!

Le lendemain matin, à peine remis des au-revoirs (avec, cette fois-ci, une production lacrymale limitée car les prochaines retrouvailles sont pour bientôt), nous sommes en train d'astiquer le bateau quand nous voyons Amélie arriver derrière son grand sourire en trottinant sur le quai. Tellement bon, tellement bon de se voir! Cela faisait-il vraiment tout un an? Par quel enchantement, depuis aussi loin que l'on s'en rappelle (35 ans, c'est aussi vieux que nos mémoires...), avons-nous toujours la sensation de connecter instantanément, même après de longues périodes de séparation? Peu importe - c'est un trésor.

Ce deuxième séjour pour Amélie sur Panta Rhei, après les Baléares à la fin de l'été 2011, clôture en beauté le chapitre "visites à bord" de notre aventure nautique. Etrange sensation; c'est la série des "dernières fois" qui commence...

Très vite, nous quittons Nassau (et l'île de New Providence) pour aller mouiller l'ancre devant Rose Island, à une heure au nord-est de là. Retour en eaux transparentes en bordure d'une grande plage déserte. That's more like it... A partir d'ici, pour continuer à progresser vers le nord, il faut effectuer une traversée de 80 milles environ jusque Great Abaco Island avant de zigzaguer en sauts de puce le long de l'archipel des Abacos entre les bancs de sable.

Nous décidons de faire cette traversée de nuit et levons l'ancre dès le samedi 13, à la tombée du jour, en direction de Great Abaco. A peine quelques milles après avoir contourné Rose Island, le profondimètre se met à crier: 2,2 mètres au compteur, soit la profondeur de la quille... Il s'agit d'une patate de corail non répertoriée sur les cartes, et il s'en faut de peu pour qu'on talonne le récif. Une fois l'émotion passée, nous poursuivons notre route d'abord très tranquillement (tandis que l'Atlantis, tel un bubon géant, se découpe encore à l'horizon derrière nous pendant une bonne vingtaine de milles...), puis un peu moins confortablement dans une houle légère mais suffisante pour faire rouler Panta Rhei; les enfants mis à part, l'équipage n'aura pas beaucoup dormi mais l'allure est bonne tout le long, aussi quand nous approchons Little Harbour sur la côte est de Great Abaco il fait encore nuit. Prudence oblige à l'abord des côtes truffées de récifs, nous faisons quelques ronds dans l'eau en attendant le lever du jour pour aller mouiller l'ancre juste à l'extérieur de la baie.

L'histoire de Little Harbour est celle d'une "rêve bahaméen": au début des années 1950, le sculpteur Randolph Johnston a quitté son poste de professeur d'université dans le Massachusetts pour emmener sa femme et leurs quatre enfants vivre à bord de leur bateau, sans destination particulière. Arrivés à Little Harbour, alors totalement désert, ils furent séduits par le calme, la plage et les eaux claires, et décidèrent de s'y installer. En attendant de s'y construire une maison, ils vécurent dans une grotte, puis une hutte, et petit à petit les choses prirent forme: en peu de temps, ils avaient construit une fonderie et le père occupait ses journées à sculpter ce que lui inspiraient les paysages alentours. Il est mort à plus de 80 ans, après avoir passé près de la moitié de la vie dans son coin de paradis... Little Harbour s'est quelque peu développée depuis, mais aujourd'hui encore elle est habitée principalement par les enfants et petits-enfants du sculpteur, et le Pete's Pub and Gallery (ouvert par l'un de ses trois fils) constitue le seul commerce à l'horizon...

Pendant quelques jours nous traînons dans les cayes qui sont situées au large de la côte est de Great Abaco et la protègent donc de la houle atlantique: les mouillages y sont parfaitement calmes et assez peu fréquentés (c'est déjà la fin de la saison, paraît-il).

A Lynyard Cay, nous avons le plaisir de recroiser Chantal et Michaël sur CAJOU (leur petit Arthur est déjà rentré en Belgique) que nous avions brièvement mais intensivement rencontrés à Cap Canaveral au mois de novembre dernier. Ils arrivent tout droit du Mexique et sont en route vers les Bermudes - et à l'heure où j'écris ceci ils sont sans doute en train d'approcher des Açores! La soirée passée avec eux est très joyeuse et se termine par un tête-à-tête mémorable entre Amélie et moi, avec une nage nocturne autour du bateau - en dépit du fait que, "comme chacun sait" (...), les requins chassent la nuit et il est strictement déconseillé de se risquer dans l'eau entre le coucher et le lever du soleil - ce que nous avons curieusement, mais totalement, oblitéré de nos esprits à ce moment-là et nous sommes fait rappeler avec moulte gros yeux et sourcils froncés par Marc et Chantal le lendemain...

A Pelican Cay, nous nous arrêtons le temps d'aller plonger en masques et tubas sur un bout de récif; raies léopard, tortues, barracudas géants, quadrillages de corails immenses et finement sculptés - sans doute parmi ce ce que nous aurons vu de plus beau en plongée pendant le voyage.

A Elbow Cay, nous tombons sous le charme de Hope Town, charmant village coloré et photogénique dont le phare rouge et blanc, datant de 1862, est l'un des trois derniers phares au kérosène actionné à la main au monde - et en fait un décor de carte postale qui attire beaucoup de monde. La plage est sublime, immense, et les dunes sont un irrésistible appel aux rollekebols (désolée pour les non-Belges...).

Dernière étape pour Amélie, qui y reprendra un avion pour Nassau avant de s'envoler vers Bruxelles: Marsh Harbour, dont nous serons assez déçus. A part un supermarché à l'américaine, et une petite piscine dans l'une des marinas qui fait la joie des enfants, l'endroit n'a aucun intérêt particulier. Et en plus, il se met à pleuvoir dru.

Merci Amélie pour ton séjour avec nous, encore un merveilleux bout de vie ensemble dans notre longue histoire commune...

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