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mercredi 14 novembre 2012

Rounding Cape Hatteras: Virginia, North Carolina, South Carolina: 1-5 novembre

Jeudi 1er novembre, nous quittons Washington pour retrouver Panta Rhei à Deltaville, emmenant Adrian avec nous: avide d'aventure, il a décidé de nous accompagner autour du cap Hatteras dont la réputation est telle que la très grande majorité des marins, quand leur embarcation le leur permet, décide de le passer par l'intérieur, soit par les Intracoastal Waterways (qui, d'un bout à l'autre, relient le New Jersey à la Floride)...

La navigation sur les canaux est belle paraît-il, quoique rallongée par les courbes et détours des voies d'eau et ralentie par l'impossibilité d'y avancer à la voile, et nous y aurions volontiers goûté un peu avec nos amis de Pingouin et Ortemi. Hélas, cette option ne s'offre pas à nous: dessus et dessous, les mensurations de Panta Rhei sont telles qu'elle talonnerait souvent le fond et ne passerait pas les nombreux pont fixes qui jalonnent le parcours.

Mentalement prêts à reprendre la "grande mer" et encouragés par une fenêtre météo plutôt favorable pour le weekend, nous remettons donc le bateau à l'eau en milieu d'après-midi et levons l'ancre dès le lendemain matin, 2 novembre, pour Norfolk, porte de sortie du Chesapeake vers l'Atlantique. Malgré le froid, nous partons tout sourire pour ce qui doit être une petite journée de voile jusqu'à la pointe sud de la baie - en d'autres termes, une promenade dominicale à côté de ce qui nous attend sans doute au large d'Hatteras.

Seulement, le vent qui souffle à l'extérieur crée un sale clapot qui rend la navigation assez inconfortable. Marc, Luca, Vadim et moi, malgré le peu de milles parcourus ce dernier mois, avons acquis une certaine habitude de ce genre de conditions (qui ne les rendent pas moins désagréables, mais peut-être un peu plus supportables - "le prix à payer pour les Tropiques", affirme Marc dans une tentative hasardeuse de nous apaiser tous). Adrian, lui, se demande certainement ce qui lui a pris d'embarquer avec nous mais, beau joueur, il revient au bateau après une douche salvatrice dans la marina de Norfolk plutôt que de s'enfuir par la porte de derrière...

Samedi 3 novembre. Début de notre traversée en famille la plus longue depuis Gibraltar-Tenerife il y a tout juste un an: Norfolk-Charleston, 400 milles, soit trois jours et deux (pas trois, si tout va bien) nuits en mer. La première journée est belle, froide mais ensoleillée, l'allure est parfaite et avec un bon vent arrière, la houle est presque imperceptible. Jusqu'ici, tout va bien... La présence d'Adrian est un incontestable plus: attentif, aidant, flexible, il est pour les enfants un professeur strict mais efficace à l'heure de la classe et un partenaire de jeux inépuisable, et pour nous tous un compagnon de route idéal. Quand la nuit tombe, les conditions sont toujours belles et nous passons au large du cap Hatteras sous un ciel plein d'étoiles. Ouf - ça, c'est fait...

Le lendemain matin, il fait chaud! Peu après que nous nous soyons régalés de la visite d'un grand groupe de dauphins, nous découvrons que nous avons à bord un cinquième passager, vraisemblablement embarqué à Norfolk et planqué sur le pont depuis 24 heures: un petit oiseau, dont nos faibles connaissances en ornithologie nous permettent de penser qu'il vit normalement sur les plages et non à quarante milles des côtes... Il est baptisé Alec ("parce que ça rime avec long bec") et fait la joie des enfants qui suivent de très près ses allers et venues dans le cockpit. Après quelques heures de ces réjouissances animales, les conditions se dégradent: s'il fait chaud, c'est parce que le vent a tourné au sud, soit face à nous, et nous commençons une longue lutte au près serré contre les vagues, avançant péniblement à 3-4 noeuds. Les prévisions météo consultées avant le départ nous avaient préparés à cette bascule de vent temporaire, aussi nous prenons notre mal en patience et attendons un nouveau renversement qui tarde à venir. Quand, enfin, le vent repasse au nord-nord est, nous sommes au large du cap Fear (c'était donc de celui-là qu'il fallait se méfier, on aurait du s'en douter) et le courant combiné à la mer dans le sens contraire du vent lève une houle dans laquelle l'étrave de Panta Rhei vient frapper violemment. Le pont est régulièrement aspergé d'eau et tout le monde est muet, rassemblant ses forces pour ne pas quitter l'horizon des yeux - même Alec n'a pas l'air dans son assiette. L'après-midi se passe comme ça, interminable, et à la tombée de cette deuxième nuit en mer, des orages viennent ajouter encore au folklore: après quelques zigzags dans l'espoir de ralentir pour laisser passer le mauvais temps, nous n'avons plus le choix que de nous diriger droit vers un ciel zébré d'éclairs. Rapidement, ils sont tout autour de nous. Comme rien n'angoisse plus Marc en mer que les orages, il somme Adrian et moi (les enfants dorment, les bienheureux) de rentrer à l'intérieur du bateau et de ne pas en sortir, tandis qu'il se permet une demi-heure de sommeil assis dans le carré, en tenue complète de quart, agrippé à la lampe de poche et avec sous la main le kit "plan B" au cas où Panta Rhei serait frappée par la foudre: allumettes pour la lampe à huile, ordinateur portable pour GPS de secours, extincteur. Rassurant...

Lundi 5. Deuxième lever de soleil, troisième jour en mer: nous avons échappé à la foudre, la mer a -enfin!- basculé dans le sens du vent pour nous pousser au lieu de nous faire face, et le ciel se dégage. La navigation a repris une allure tout fait confortable, Luca et Vadim jouent gaiement à l'intérieur et nous avançons vite, bercés par la voix et la musique de Jupiter dans un cockpit à nouveau accueillant. La journée semble un peu longue car la fatigue de ces deux courtes nuits commence à peser, mais l'humeur à bord est gaie et c'est avec un enthousiasme à la mesure de l'aventure vécue que nous jetons l'ancre, vers 20h30, dans la Ashley River à l'ouest de la péninsule de Charleston, en Caroline du Sud - peu après qu'Alec, ragaillardi par la proximité de la côte, se soit enfin envolé...

Pendant ces trois jours de mer, dont la moitié fut vraiment difficile, pas une fois les enfants ne se sont plaints. Ni de nausée, ni d'ennui, ni de froid, ni de peur, ni de chamailleries. Voilà qu'une fois encore, face à l'adversité, ces deux petits bonshommes nous ont beaucoup impressionnés - et rendus fiers, osons le mot.

Quant à Adrian, qui a vécu là une expérience certainement mémorable (avec toutes les nuances que cela sous-entend...), nous lui redisons encore une fois notre affection, notre gratitude, notre admiration et notre vif souhait de le revoir à bord sous d'autres latitudes!


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